Document de travail

L’impact dynamique des achats de titre de la BCE : une stratégie d’identification tirée des anticipations de marché

Mise en ligne le 8 Février 2021

Document de travail n°806. Nous estimons l’effet dynamique du programme d’achat de titres de l’Eurosystème (APP) dans le cadre d’un vecteur autorégressif structurel avec instrumente externe. Nous construisons un proxy des chocs structurels d’APP reflétant les changements non-anticipés des achats supplémentaires annoncés par la BCE. Ceux-ci sont déduits des anticipations de marché tirées de sondages réalisés juste avant les annonces de politique monétaire. Nos résultats montrent de manière robuste que les innovations d’APP ont un effet expansionniste sur les prix et sur l’activité. Une hausse immédiate des achats d’actifs de l’ordre de 1 % du PIB entraîne un impact maximum sur la production industrielle et sur les prix à la consommation de 0.15 % et 0.06 %, respectivement. Au total, les chocs d’APP comptent pour un cinquième de la variance macroéconomique de long-terme. Enfin, nos analyses contrefactuelles suggèrent que l’APP et ses recalibrages successifs ont été centraux pour soutenir l’inflation en zone euro: celle-ci aurait par exemple connu des épisodes de déflation en l’absence des mesures d’APP de décembre 2015 et mars 2016.

Image Impulse responses to an APP shock

Depuis 2008, les achats d’actifs sont un outil de politique monétaire non conventionnelle majeur dans un contexte de taux directeurs proches de la borne basse effective des taux d’intérêts. Dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé son programme d'achat d'actifs (APP) en janvier 2015, pour faire face aux risques croissants de faire face à une période prolongée de faible inflation. L’APP a été le principal contributeur à l'expansion du bilan de la BCE. En février 2020, le montant des titres détenus à des fins de politique monétaire par la BCE représentait environ 2 700 milliards d'euros, soit environ 25 % du PIB nominal de la zone euro.

Alors qu'une large littérature a étudié les réponses des actifs financiers aux achats d'actifs, moins de travaux ont évalué la réponse des variables macroéconomiques que sont l'activité économique et des prix, les variables d’intérêt de politique économique. La mesure de ces effets macroéconomiques est difficile pour au moins deux raisons. La première réside dans l’endogénéité des décisions de politique monétaire : les décisions d'augmenter les achats d'actifs peuvent être des réactions aux prix des actifs, à l'inflation ou à d'autres variables macroéconomiques. En tant que tel, il reste intrinsèquement difficile de dissocier les effets des changements de l’APP des effets des facteurs non liés à la politique monétaire. La deuxième difficulté consiste à prendre en compte que les annonces d'achat de la BCE ont été en partie anticipées par le public. En conséquence, les annonces d’APP sont probablement déjà - même partiellement – intégrées par les agents. Il est donc crucial de s'assurer que les anticipations du public sont correctement prises en compte pour isoler les changements d’APP qui sont strictement imprévus afin d'évaluer leurs effets dynamiques sur les variables macroéconomiques.

Pour résoudre ces difficultés, nous proposons dans ce papier un cadre d'auto-régression vectorielle structurelle (SVAR) dans lequel les chocs structurels de l’APP sont identifiés à l'aide d'un instrument externe. Dans cette catégorie de modèles, communément appelés proxy-SVAR, le problème d'endogénéité est résolu en faisant l'hypothèse clé que l'instrument est corrélé avec les chocs d’APP mais orthogonal aux autres chocs structurels.

Pour identifier les chocs d’APP, nous proposons un nouvel instrument qui s'appuie sur les informations publiées dans les enquêtes quantitatives menées auprès des participants de marché par Bloomberg et Reuters avant chaque Conseil des gouverneurs de la BCE. Depuis la fin de 2014, ces enquêtes contiennent des questions sur les anticipations des participants de marché concernant l'évolution future de l’APP, et notamment sur le montant des achats d'actifs supplémentaires (le cas échéant) annoncés par le prochain Conseil des gouverneurs.

Nous calculons une mesure de  surprise qui sert de proxy dans notre proxy-SVAR pour tracer les effets macroéconomiques dynamiques de l’APP. Dans notre spécification de base, nous constatons que l’APP a des effets expansionnistes et relativement rapides sur l'activité économique et les prix. Plus précisément, nous constatons qu'une augmentation immédiate des achats d'actifs équivalent à 1 % du PIB entraîne un impact maximal sur la production industrielle et les prix à la consommation de 0,15 % et 0,06 %, respectivement.

Nous effectuons ensuite un certain nombre d'exercices contrefactuels. Nous nous demandons ce qui se serait passé si la BCE n'avait pas annoncé et mis en œuvre des recalibrages majeurs de l’APP. Nos simulations montrent que chaque grande phase de recalibrage a réussi à stimuler la production et les prix et a contribué à empêcher l'inflation de s’inscrire en territoire négatif.

Mise à jour le 24 Octobre 2023