Bulletin de la Banque de France

Le recours croissant des grands groupes français à l’endettement : une stratégie de financement qui montre ses limites

Mise en ligne le 28 Novembre 2019
Auteurs : Hélène Charasson-Jasson

Bulletin n°226, article 4. Depuis 2014, les grands groupes français renforcent la part des dettes dans les ressources engagées pour financer leur activité. La chute du coût moyen de l’endettement crée un environnement favorable à cette stratégie, réduisant son risque à court terme. Ainsi, en 2018, les flux tirés de l’exploitation n’ont jamais aussi bien couvert, depuis dix ans, le coût des intérêts et charges assimilées. Cependant, cette stratégie de financement comporte des risques à plus long terme : la rentabilité des capitaux devient davantage soutenue par l’effet de levier que par la rentabilité opérationnelle ; la capacité de remboursement se dégraderait nettement en cas de remontée des taux d’intérêt à moyen terme ; en cas de besoin, les groupes auront davantage de difficultés à reconstituer un coussin de liquidité qui a diminué depuis le haut niveau atteint en 2012 ; les nouvelles dettes financières servent notamment à financer des opérations de croissance externe, dont les revenus futurs anticipés peuvent s’avérer surévalués.

Image Endettement financier net rapporté aux fonds propres (ratio de levier net) Description Le graphique présente une observation de l'endettement financier net rapporté aux fonds propres (ratio de levier net) de 2013 à 2018 (grands groupes français non financiers privés). Note : Endettement financier net = Dette brute (incluant notamment l'endettement issu de l'analyse hors bilan) - Trésorerie immédiatement mobilisable Source : Banque de France, base FIBEN (comptes consolidés). 250 groupes retenus dans l'échantillon en 2017 ; données 2018 disponibles pour 215 d'entre eux, représentant 93% de l'actif total de l'échantillon 2017. Chiffres clés : +7,8 points de pourcentage : la hausse du ratio de levier net moyen entre 2013 et 2018 -2,3 points de pourcentage : la baisse de la rentabilité opérationnelle moyenne entre 2013 et 2018 -1,2 points de pourcentage : la diminution du coût associé à une unité d'endettement, entre 2013 et 2018

L’analyse développée dans cet article repose sur l’exploitation de données des comptes consolidés de grands groupes français non financiers privés recensés dans la base FIBEN (fichier bancaire des entreprises) de la Banque de France. Le périmètre de consolidation inclut la tête de groupe et ses filiales, y compris celles implantées à l’étranger.

L’opération de consolidation élimine les flux intragroupes, notamment en matière de produits et charges d’exploitation, ce qui rend l’analyse de l’activité plus précise. Ensuite, l’examen de l’endettement consolidé d’un groupe permet d’analyser son endettement externe. En revanche, la consolidation diminue l’information sectorielle (voir le traitement de ce problème en annexe).

1. Les performances des grands groupes français apparaissent contrastées au regard des ressources engagées

Le taux de marge global des grands groupes s’améliore depuis 2015

L’enrichissement ou l’appauvrissement d’un groupe au cours d’un exercice se mesure par son résultat net. Rapporter le résultat net récurrent 1 au chiffre d’affaires permet d’évaluer la capacité du groupe à dégager des marges. Ce ratio est nommé le taux de marge global.

Après avoir décru à la suite de la crise financière de 2007 et de la crise des dettes souveraines de 2011, le taux de marge global moyen des grands groupes se redresse depuis 2015. En 2017, il retrouve son niveau de 2008 et continue de progresser pour s’établir à 4,7 % en 2018 (selon les données disponibles). Pour mémoire, il se situait à 5,3 % en 2007 (cf. graphique 1).

En particulier, les secteurs de l’industrie manufacturière, de la construction, ainsi que de l’information et de la communication bénéficient d’une progression de leur taux de marge global moyen depuis 2015.

Mais la rentabilité opérationnelle des grands groupes décroît

La rentabilité opérationnelle se définit comme le rapport entre le résultat d’exploitation obtenu et l’ensemble des ressources (capitaux propres totaux, endettement financier net) engagées pour financer l’actif économique d’un groupe et assurer ainsi son fonctionnement.

Depuis 2016, la rentabilité opérationnelle moyenne des grands groupes français diminue, et cette tendance se poursuit en 2018 (cf. graphique 2). Les performances des grands groupes français sont donc à relativiser au regard des ressources engagées, et notamment au regard de l’accroissement de l’endettement financier net.

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Mise à jour le 7 Décembre 2023