Source : Cahn, Girotti et Salvadè, 2018
Note : L’offre relative de crédit est mesurée par la variation trimestrielle des encours de crédits en % du total de bilan, apurée des différences liées entre autres au secteur, à la période et aux caractéristiques inobservables des entreprises.
Dans les opérations de crédit, la question de l’asymétrie de l’information est une préoccupation de premier plan. Le dépositaire des fonds doit s’assurer que l’utilisateur sera en mesure d’en garantir le remboursement, alors qu’il ne contrôle que partiellement l’usage de ces fonds. Bénéficiant de jure d’un monopole quasi-exclusif des opérations de crédit, les banques ont développé des techniques d’analyse et de contrôle des risques qui caractérisent leur activité.
L’analyse du risque de crédit se fonde sur l’exploitation d’un ensemble d’informations, regroupées schématiquement en deux catégories : i) l’information vérifiable, issue des états financiers le plus souvent, à partir de laquelle la banque peut formuler une prévision de défaut (comme le score de Altman) ; ii) l’information acquise au cours des interactions entre la banque et l’entreprise, qui constitue donc une information privée pour la banque. Selon l’importance accordée par une banque à l’un ou l’autre type d’information, on parle d’opération bancaire transactionnelle ou relationnelle.
L’accumulation d’information privée caractérisant les opérations relationnelles confère une rente informationnelle à la banque qui en est à l’origine. Par essence, il n’existe pas de marché pour cette information. Elle peut être ainsi exploitée par la banque afin de proposer des conditions de crédit à son avantage vis-à-vis de l’entreprise liée qui se retrouve captive ; une situation qualifiée de hold-up dans la littérature économique (voir par exemple les développements théoriques de Sharpe 1990 et Rajan 1992). Dans le cas des entreprises multi-bancaires, certaines banques préfèreront déléguer leur fonction d’analyse de crédit à celles disposant d’une information privilégiée (une situation de passager clandestin décrite par Carletti et coll. 2007).
Dans ce contexte, les agences de cotation de crédit jouent un rôle prépondérant comme pourvoyeurs d’informations et permettent de répondre en partie aux problèmes d’asymétrie d’information. Cahn, Girotti et Salvadè (2018) illustrent ceci à travers l’analyse du changement dans la méthodologie de cotation des entreprises de la Banque de France, intervenu en 2004.
La cotation Banque de France et la réforme méthodologique de 2004
En attribuant une cotation aux sociétés non financières, la Banque de France apporte son soutien à la mise en œuvre de la politique monétaire et aux mesures visant à maintenir la stabilité financière. Ainsi, les institutions monétaires et financières peuvent se refinancer auprès de l'Eurosystème en nantissant leurs créances détenues sur les entreprises, à condition que celles-ci aient une cotation suffisamment élevée. En outre, cette cotation peut être utilisée par les établissements de crédit pour évaluer la solidité de leur portefeuille de prêts, en particulier lorsqu'ils calculent les exigences en fonds propres dans le cadre réglementaire (voir Schirmer 2014 pour plus d’information sur la cotation et son utilisation).
L’analyse du risque de crédit se caractérise par une cote, correspondant à un niveau dans une échelle de cotation. La Banque de France attribue gratuitement cette cote aux entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 000 euros. Celle-ci est ensuite mise à disposition du secteur bancaire, ainsi que la quasi-totalité des informations financières sous-jacentes, au travers du Fichier bancaire des entreprises (Fiben).
L’échelle de cotation disposait de 4 niveaux jusqu’en avril 2004. À cette date, la Banque de France a affiné cette échelle en créant des classes intermédiaires et en la complétant par des niveaux supplémentaires (voir Schéma). Ce changement s’est principalement traduit par l’introduction de seuils complémentaires s’appliquant à certains ratios financiers. Ceux-ci permettent de ventiler les entreprises au sein d’une même classe. Ainsi, alors que l’information financière sous-jacente restait inchangée, les cotes de certaines entreprises se sont appréciées (par exemple de 3 à 3++ ou 3+), quand celles d’autres sont restées stables (3 contre 3). Dans le jargon économique, ce changement méthodologique constitue une « expérience naturelle » permettant en particulier d’identifier l’influence de la cote sur l’offre de crédit aux entreprises.