Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la BCE des 5 et 6 juin 2024

4 juillet

Mise en ligne le 4 Juillet 2024

1.    Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles

Évolutions sur les marchés financiers

Mme Schnabel note que depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs des 10 et 11 avril 2024, le narratif sur les marchés financiers a convergé entre les principales économies avancées. Il s’est orienté vers un cycle d’assouplissement plus progressif et des taux d’intérêt élevés durant plus longtemps, en raison d’un « dernier kilomètre » plus long pour le processus de désinflation. Le renforcement de l’économie de la zone euro, les signes d’un ralentissement de l’économie américaine et la forte appétence des investisseurs pour le risque ont été les principaux déterminants des évolutions sur les marchés financiers.

Les données macroéconomiques de la zone euro ont continué de se révéler meilleures que prévu au cours des quatre derniers mois, confortant l’opinion des investisseurs selon laquelle la reprise économique est en bonne voie. Aux États-Unis, en revanche, les surprises s’agissant des données macroéconomiques sont devenues moins favorables. Les premiers signes d’une détente du marché du travail américain et une inflation conforme aux anticipations ont atténué les inquiétudes des investisseurs concernant la nécessité éventuelle pour le Système fédéral de réserve de relever à nouveau les taux d’intérêt.

S’agissant de la manière dont les données devenues disponibles ont affecté les anticipations relatives à la politique monétaire de la BCE, le calendrier attendu pour la première baisse des taux est resté inchangé. Les marchés et les participants aux enquêtes sont presque certains qu’une première réduction de 25 points de base interviendra en juin. Toutefois, la courbe à terme des taux des swaps au jour le jour (OIS) s’est légèrement déplacée vers le haut au-delà de juin. Elle intègre des baisses de taux cumulées, d’ici fin 2024, inférieures d’environ 20 points de base à celles qui étaient attendues avant la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs en avril. Dans l’enquête de juin réalisée auprès des analystes monétaires (Survey of Monetary Analysts, SMA), le participant médian anticipe trois baisses de taux de 25 points de base chacune d’ici fin 2024. Ce résultat est supérieur aux baisses intégrées dans les prix de marché, mais correspond à une réduction de moins que ce qui était anticipé par les participants à l’enquête avant la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs.

L’inflation américaine ayant surpris à la hausse à plusieurs reprises depuis le pivotement opéré par la Réserve fédérale en décembre 2023, la fixation des prix de marché aux États-Unis s’est également progressivement réorientée vers des baisses moins nombreuses et plus tardives des taux directeurs en 2024. Plus récemment, toutefois, des données économiques plus modérées pour les États-Unis et un résultat pour l’inflation globalement en ligne avec les anticipations ont conduit les intervenants de marché à intégrer de nouveau dans les prix un cycle d’assouplissement légèrement plus accentué.

En conséquence, le narratif relatif à la divergence des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique n’a pas joué fortement jusqu’à présent. D’ici fin 2024, les baisses des taux directeurs devraient légèrement diverger, dans la mesure où la BCE devrait entamer son cycle d’assouplissement avant la Réserve fédérale, mais cette divergence devrait disparaître d’ici fin 2025. La politique monétaire devrait par conséquent rester relativement synchronisée, les marchés anticipant un cycle d’assouplissement plus progressif et plus prudent dans chacune des deux économies. Toutefois, l’incertitude entourant ce cycle d’assouplissement progressif demeure élevée de part et d’autre de l’Atlantique.

Les anticipations des marchés relatives à un cycle d’assouplissement plus progressif et l’incertitude élevée entourant la trajectoire des taux reposent sur l’anticipation d’une trajectoire de désinflation plus prolongée et plus irrégulière. Début 2024, les investisseurs s’attendaient à une désinflation rapide et continue. À ce moment-là, les marchés intégraient dans les prix un retour de l’inflation totale (hors tabac) dans la zone euro à la cible de 2 % d’ici juin 2024 et un maintien autour de ce niveau par la suite. Depuis lors, les marchés ont progressivement intégré dans les prix un profil d’inflation plus irrégulier. Si les investisseurs s’attendent toujours à ce que l’inflation soit proche de 2 % d’ici juin 2025, ils prévoient qu’elle oscille dans une fourchette comprise entre 2,3 % à 2,5 % au moins jusqu’à fin 2024. Dans le même temps, le profil de l’inflation à moyen et long termes s’est également inscrit en légère hausse, ce qui suggère que les investisseurs n’anticipent pas un scénario dans lequel l’inflation reviendrait à des niveaux inférieurs à la cible, comme observé durant la période d’« inflation durablement faible ».

La reconvergence des anticipations relatives aux taux directeurs entre la zone euro et les États-Unis s’est également reflétée dans les rendements sans risque à plus long terme. Depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs, le spread entre les rendements nominaux aux États-Unis et dans la zone euro s’est réduit par rapport à son pic d’avril. Les variations des écarts de rendement entre la zone euro et les États-Unis se sont reflétées dans le taux de change euro-dollar, l’euro ayant récemment effacé une partie de ses pertes vis-à-vis du dollar.

Les conditions financières dans la zone euro ont été contrastées ces dernières semaines. Les prix des actifs risqués ont constitué un déterminant important de ces conditions. Après la correction à la baisse intervenue sur les marchés des actions mi-avril 2024, lorsque les baisses de taux aux États-Unis ont été repoussées dans le temps, les marchés boursiers se sont redressés dans les principales économies, atteignant même temporairement de nouveaux points hauts historiques dans la zone euro et aux États-Unis.

La combinaison d’un sentiment robuste à l’égard du risque à l’échelle mondiale et d’une reprise de la dynamique de la croissance intérieure a également continué de contenir les écarts de rendement des obligations souveraines. Dans le même temps, l’absorption des obligations d’État de la zone euro par les marchés est restée harmonieuse, soutenue par des conditions de liquidité favorables. L’absorption sans heurt par le marché a été encore plus remarquable si l’on considère la nouvelle augmentation des émissions nettes d’obligations d’État de la zone euro en 2024. Parallèlement à la réduction de l’empreinte de marché de l’Eurosystème, cela s’est traduit par des niveaux record d’offre nette en 2024.

La forte appétence pour le risque des investisseurs a favorisé des écarts de rendement faibles pour les obligations d’entreprises, qui se sont encore resserrés pour les obligations à haut rendement depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs en avril. Par conséquent, les risques de correction des prix continuent d’être élevés, en particulier sur le compartiment à haut rendement. Dans l’ensemble, les configurations des prix d’actifs sur les marchés des actions et sur le compartiment des obligations souveraines et d’entreprises mettent en évidence des valorisations tendues sur les segments plus risqués du marché et des risques de correction des prix si le sentiment historiquement robuste à l’égard du risque se retourne.

La valorisation des marchés des actifs risqués continue d’être soutenue par une liquidité de banque centrale toujours abondante. L’excédent de liquidité de la zone euro a continué de diminuer et s’est établi à 33 %, ou 1 600 milliards d’euros, au-dessous de son pic de 4 700 milliards atteint en novembre 2022. L’écart entre le taux à court terme de l’euro (€STR) et le taux de la facilité de dépôt montre peu de signes d’un relèvement par rapport à son plancher. À – 9,3 points de base, il reste proche des niveaux observés au cours de l’année dernière.
 

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Mise à jour le 4 Juillet 2024