Bulletin de la Banque de France

Mesurer la composante sous-jacente de l’inflation

Published on 22 July 2024
Authors : Matthew Fontes Baptista, Stéphane Lhuissier, Matteo Mogliani

Bulletin n°253, article 5. Les banques centrales s’appuient sur une palette d’indicateurs d’inflation sous jacente afin d’évaluer les pressions inflationnistes à moyen terme. Ces indicateurs excluent généralement les postes de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) les plus volatils, tels que les prix des produits alimentaires et énergétiques. Cependant, ils n’excluent pas nécessairement les autres composantes transitoires de l’inflation qui peuvent fournir un signal erroné sur le niveau auquel l’inflation s’établira à moyen terme. D’autres indicateurs ont donc été proposés, tels que la « composante commune et persistante de l’inflation » (PCCI) et l’« inflation sous jacente tendancielle multivariée » (MCT), qui purgent ces mouvements temporaires. Le présent article propose de passer en revue l’ensemble de ces indicateurs suivis et développés à la Banque de France, avec un regard particulier sur l’évolution en France et en zone euro pendant la période post pandémique.

Image Bulletin n°253/5
Inflation totale et mesures d'inflation sous-jacente pour la France

L’objectif de la Banque centrale européenne (BCE) est de maintenir la stabilité des prix pour l’ensemble de la zone euro. En 2021, lors de sa revue stratégique, la BCE a réaffirmé qu’elle visait une cible d’inflation, mesurée par le taux de croissance annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) de 2 % à moyen terme. L’inflation affiche une volatilité de court terme avec des mouvements temporaires qui ne préjugent pas de l’évolution à venir. Ces mouvements sont souvent dus à des prix de produits spécifiques, et reflètent des changements de prix relatifs plutôt qu’une hausse de l’indice général des prix. Il est donc essentiel pour la mise en œuvre de la politique monétaire d’identifier une dynamique sous jacente de l’inflation, qui fasse abstraction de ces mouvements idiosyncratiques et transitoires.

Une première approche dite « par exclusion de postes », sur laquelle s’appuient régulièrement les banques centrales, élimine les secteurs qui affichent les plus grandes variations transitoires. L’indicateur le plus connu est l’inflation « core » qui exclut les prix des produits alimentaires et énergétiques, qui sont les deux composantes les plus volatiles (Gordon, 1975 ; Eckstein, 1981 ; et Clark, 2001, pour une introduction générale). Discutés par Lalliard et Robert (2022), d’autres indicateurs ont aussi été développés, tels que l’IPCH à moyenne tronquée (trimmed mean HICP) et l’IPCH sous jacent à exclusion fine (fine core). Ces indicateurs reposent sur l’exclusion des postes de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) ayant des variations mensuelles extrêmes, où le seuil d’exclusion (par exemple 30 % des postes) est choisi de manière discrétionnaire par l’analyste. L’indice à moyenne tronquée exclut les postes de l’indice ponctuellement les plus volatils (c’est à dire mois par mois). En revanche l’indice « à exclusion fixe » écarte les postes historiquement les plus volatils (c’est à dire sur une période de référence).

Cette approche demeure cependant partielle. Elle repose uniquement sur la suppression des composantes les plus volatiles, mais ne permet pas d’extraire directement la composante transitoire de l’inflation. Cette dernière est pourtant la clé pour comprendre la forte poussée de l’inflation entre 2021 et 2023, au cours de laquelle de nombreux secteurs de l’économie, comme l’ameublement ou l’automobile, furent touchés par une succession de chocs transitoires exceptionnellement élevés. Une mesure capturant la tendance de l’inflation devrait être capable d’éliminer ces effets transitoires. …
 

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Updated on 22 July 2024