Interprétation : La carte montre l’indice de télétravail par département. Les départements pour lesquels l’indice est le plus foncé sont ceux dont la capacité de télétravail est la plus élevée.
L’essor spectaculaire du télétravail constitue probablement l’un des principaux effets durables de la pandémie de Covid-19 sur l’organisation du travail. Contraints par les circonstances, employeurs et salariés ont dû adopter de nouveaux modes de travail à distance afin de limiter les interactions physiques durant les phases aiguës de la crise sanitaire. Cette expérience a conduit les entreprises à investir davantage dans le matériel informatique et à adapter leurs pratiques managériales. Ainsi, le télétravail constitue déjà pour de nombreux salariés une pratique courante qui devrait se pérenniser dans les années à venir (Barrero et al.,2021).
Par ailleurs, la polarisation de l’activité économique a entraîné une hausse significative des prix de l’immobilier dans les zones dynamiques au cours des vingt dernières années. L’immobilier de bureaux ne fait pas exception : le coût de l’immobilier d’entreprise pèse de plus en plus sur la rentabilité des entreprises (Bergeaud et Ray, 2020). Celles-ci pourraient donc profiter de l’essor du télétravail pour réduire leur demande de surfaces de bureaux, ce qui est susceptible d’entraîner un ralentissement structurel du marché de l’immobilier d’entreprise. Aux États-Unis, Bloom et Ramani (2021) montrent que la pandémie et l’augmentation du télétravail ont déjà un effet substantiel sur la dynamique spatiale de l’immobilier dans les villes et parlent d’un "effet doughnut" avec une croissance des prix de l’immobilier qui s’essouffle dans le centre des villes mais reste dynamique en périphérie. Dans un article récent (Bergeaud et al., 2021), nous examinons les premiers signes d’un tel ajustement en France.
Hétérogénéité locale de la propension à télétravailler
Pour étudier le télétravail, nous définissons un indice qui mesure l’exposition au télétravail à l’échelle départementale. Cet indice est le produit de deux composantes. D’une part nous utilisons l’indicateur développé par Dingel et Neiman (2020) renseignant la capacité de télétravail d’un métier donné que nous appliquons à la composition locale du travail en France. Nous interprétons ce premier indicateur comme un potentiel de télétravail maximal, limite supérieure qu’il est cependant peu probable d’atteindre dans la pratique (Bartik et al., 2020). D’autre part nous introduisons des frictions (qualité de l’infrastructure internet, temps de transport moyen, nombre de familles avec enfants) qui empêchent d’utiliser pleinement le potentiel de télétravail. Nous extrayons une composante principale de ces frictions et la combinons avec le potentiel maximal de télétravail afin de construire un indice unique qui mesure la propension effective à télétravailler par département.
Cet indicateur est présenté dans le graphique ci-dessous. Bien qu’il soit naturellement fortement corrélé à la densité de population, nous constatons que l’indicateur reste positivement corrélé à l’intensité effective de télétravail une fois que l’on purge l’indicateur des effets de densité. Le graphique 1b retrace cette distribution géographique nette des effets de densité.