Rapport sur la stabilité financière

Rapport sur la stabilité financière - Décembre 2024

Mise en ligne le 19 Décembre 2024

Le retour de l’inflation à sa cible et la baisse progressive des taux directeurs, dans un contexte de croissance française modérée, constituent des éléments favorables pour la stabilité du système financier français. Le système financier français a fait face à une série de chocs importants, depuis 2020, et s’est adapté à un environnement de taux plus élevés depuis 2022. La solidité du secteur bancaire et assurantiel, les niveaux élevés de trésorerie des sociétés non financières et le taux d’épargne des ménages, toujours supérieur à sa moyenne pré-Covid, représentent autant de facteurs d’absorption des chocs. Néanmoins, des poches de vulnérabilités persistent pour les acteurs non financiers les plus endettés, face à un environnement macroéconomique incertain.

Des incertitudes renouvelées, liées à l’environnement politique national, l’économie internationale et l’aggravation des tensions géopolitiques, pourraient affecter l’activité et les marchés. Si la volatilité demeure modérée, elle a progressé au second semestre 2024 avec de brefs épisodes de tensions sur les marchés. Le pic de volatilité observé le 5 août 2024 sur les marchés mondiaux reflète une sensibilité accrue des opérateurs aux facteurs d’incertitude. L’alternance politique aux États-Unis pose, par ailleurs, la question des politiques économiques et commerciales qui seront menées par la nouvelle administration et qui pourraient venir renforcer des vulnérabilités existantes pour l’économie européenne et les marchés. En France, le contexte d’incertitude politique a entraîné un écartement entre les rendements des obligations souveraines françaises et allemandes, et à l’inverse un rapprochement avec le spread italien. Si le cas français demeure largement idiosyncratique, la convergence des spreads au sein de la zone euro reflète une confiance des investisseurs dans la solidité des institutions européennes.

À l’aune de ce diagnostic d’une résilience d’ensemble du système financier français, ce rapport met en avant les principaux risques conjoncturels et structurels qui pèsent sur la stabilité financière.

Les acteurs non financiers se sont adaptés à des taux plus élevés mais certains demeurent vulnérables à une détérioration de l’environnement macroéconomique

Les entreprises non financières sont globalement résilientes, mais les vulnérabilités augmentent pour les plus endettées d’entre elles. Alors que les taux d’intérêt sur les nouveaux prêts aux entreprises ont commencé à décroître, les coûts de financement continuent d’augmenter progressivement, au rythme du renouvellement des emprunts contractés en période de taux bas. Face à des charges d’intérêt en hausse, les entreprises bénéficient dans leur ensemble de coussins de trésorerie toujours supérieurs à leurs niveaux pré-Covid. Le nombre de défaillances en octobre 2024 augmente, à un rythme plus lent qu’en juin 2024, reflétant notamment une dynamique de « rattrapage » après le fort ralentissement enregistré pendant la période 2020-2021. Le secteur conserve donc une bonne capacité d’absorption des chocs mais les vulnérabilités restent orientées à la hausse pour les entreprises les plus endettées, d’autant que la conjoncture est devenue peu favorable à la hausse des prix de vente. Le maintien des spreads de crédit des obligations d’entreprises sur des niveaux historiquement faibles, malgré le contexte incertain, reflète la confiance des investisseurs dans la solidité financière des grandes entreprises françaises. En moyenne, les spreads sur les obligations notées high yield ont baissé en 2024, les difficultés individuelles de certaines entreprises n’ayant pas affecté l’ensemble du marché.

Si la correction du marché de l’immobilier résidentiel semble toucher à sa fin, le secteur de l’immobilier commercial continue à se détériorer. La baisse des taux d’intérêt amorcée en juin 2024 a permis un rebond de la production de crédits à l’habitat et une stabilisation progressive des prix de l’immobilier résidentiel, au deuxième trimestre 2024, à la faveur de l’augmentation du pouvoir d’achat immobilier des ménages. Les normes macroprudentielles en vigueur et la structure d’endettement des ménages contribuent, par ailleurs, à limiter les risques portés par ce secteur pour la stabilité financière. Le marché de l’immobilier commercial continue en revanche à se contracter sous l’effet conjoint de facteurs structurels et conjoncturels, mais l’exposition du système financier français à ces actifs demeure contenue.

Malgré un contexte plus volatil, le marché souverain français bénéficie d’une base d’investisseurs diversifiée

La montée de l’incertitude politique et la détérioration de la trajectoire budgétaire ont occasionné un écartement du rendement de la dette souveraine française par rapport à celui de la dette allemande (écartement du spread). Les coûts de financement de l’État sont néanmoins en baisse entre mai et décembre 2024, le mouvement haussier sur le spread ayant été contrebalancé par la baisse de l’inflation et les anticipations d’une politique monétaire plus accommodante. Alors que le taux d’emprunt souverain sert de référence pour le reste de l’économie, la préservation des bonnes conditions de financement des entreprises et des ménages suppose impérativement une clarification de la trajectoire des finances publiques.

Le marché souverain français bénéficie d’une base d’investisseurs diversifiée et d’un marché pleinement fonctionnel. La demande pour la dette souveraine française apparaît toujours soutenue sur le marché primaire et les conditions de liquidité se maintiennent sur le marché secondaire. La base d’investisseurs sur le marché de la dette souveraine française est diversifiée avec une progression de la part des investisseurs non-résidents depuis 2022, dans le contexte de réduction du bilan de l’Eurosystème. La hausse de l’incertitude politique se traduit cependant par une forme d’attentisme de certains investisseurs. Alors que les volumes de titres souverains à absorber par le marché restent importants, en France comme dans les autres économies développées, il est nécessaire de maintenir les conditions de leur attractivité.

L’incertitude pourrait conduire à des pics de volatilité plus fréquents sur les marchés avec un risque de correction désordonnée

Les marchés actions français et européens ont connu en 2024 une performance inférieure à celle des actions américaines. Les actions européennes ont gagné près de 10 % entre janvier et mi-décembre 2024 tandis que leurs homologues américaines ont enregistré une performance de 28 % sur la même période, portée par la très forte performance de quelques entreprises technologiques (7 Magnifiques). Des perspectives de croissance modérées, des incertitudes politiques accrues et la crainte d’une multiplication des mesures protectionnistes dans le monde contribuent à expliquer cette moindre performance des actions européennes, et notamment françaises. Dans le même temps, les marchés américains restent soutenus par des anticipations de croissance plus robuste à court terme.

La volatilité des marchés reste modérée, mais la fréquence des épisodes de tensions pourrait augmenter alors que les opérateurs se montrent plus sensibles aux surprises macroéconomiques et politiques. La sensibilité accrue des participants de marchés aux surprises économiques, en particulier liées à l’économie américaine, et aux incertitudes politiques et géopolitiques pourrait se traduire par de nouveaux pics de volatilité sur les marchés actions et obligataires. Ce risque est renforcé par la forte concentration des valorisations sur un nombre réduit de valeurs boursières, particulièrement aux États-Unis. Par ailleurs, même si le marché des cryptoactifs a connu une hausse importante après les élections américaines, il reste structurellement volatil et son absence de régulation aux États-Unis augmente les risques.

Le pic de volatilité du 5 août 2024 sur les marchés mondiaux rappelle que les vulnérabilités propres aux intermédiaires financiers non bancaires (NBFI) sont susceptibles d’accentuer les mouvements baissiers des marchés. Le 5 août 2024, les marchés ont brièvement surréagi à des données économiques américaines et à des annonces de politiques japonaises, entraînant un pic inédit de l’indice de volatilité des actions américaines. Ces mouvements ont été amplifiés par un contexte de faible liquidité et des débouclages massifs de positions à forts effets de levier (stratégies de portage dites carry trades), notamment par des fonds spéculatifs. Ces tensions se sont rapidement résorbées mais elles mettent à nouveau en avant les vulnérabilités de certains acteurs non bancaires. En particulier, l’existence d’un fort effet de levier et de contraintes de liquidité peut contraindre ces acteurs à déboucler leurs positions, avec le risque d’effets procycliques amplifiant les tensions de marché. Ces vulnérabilités soulignent le besoin d’un cadre réglementaire adéquat pour les intermédiaires non bancaires.

La solidité du secteur bancaire et assurantiel constitue un facteur de résilience

Les banques françaises s’appuient sur des modèles d’affaires diversifiés et affichent des niveaux de solvabilité et de liquidité toujours largement supérieurs aux exigences réglementaires. Le ratio de liquidité à court terme (liquidity coverage ratio - LCR) des établissements bancaires français s’élevait en moyenne à 147 % fin septembre 2024, bien au-dessus des 100 % exigés par le régulateur, tandis que la part des actifs liquides de haute qualité demeure stable depuis 2022. Le secteur bancaire bénéficie également de ratios de fonds propres élevés et globalement stables, qui contribuent à sa résilience. Les banques françaises s’appuient sur des modèles d’affaires diversifiés, qui contribuent à leur stabilité, même si leur rentabilité reste inférieure à celle de leurs pairs de la zone euro en raison, notamment, d’une progression plus lente des revenus d’intérêts liée à des encours de crédits majoritairement à taux fixe.

Malgré une légère augmentation, la progression du risque de crédit des banques françaises reste maitrisée. Le taux de prêts non performants au sein de leurs bilans s’est établi à 2,61% au troisième trimestre 2024, en légère hausse par rapport à 2023 mais toujours proche des plus bas historiques. L’exposition des six grands groupes bancaires français à la dette des administrations publiques françaises est limitée, cette dette représentant 3,3 % du total de leurs actifs et 71 % de leurs fonds propres Common Equity Tier 1 (CET1). Leurs conditions de financement sur les marchés sont stables, avec des primes de crédit contenues.

Les assureurs conservent également une structure de bilan solide. Les détentions des assureurs sont concentrées sur des actifs présentant une qualité et une liquidité élevées, tandis que leur exposition à l’immobilier commercial demeure limitée. Cependant, les compagnies d’assurance peuvent être confrontées à la difficulté de réassurer certains risques extrêmes dans un contexte de risque géopolitique accru et de catastrophes naturelles plus nombreuses et plus intenses.

Les risques cyber et climatiques sont de mieux en mieux identifiés mais les institutions financières doivent améliorer leur prise en compte

Le nombre de cyberattaques identifiées s’est stabilisé, y compris pour le secteur financier, mais le risque demeure élevé dans un environnement géopolitique dégradé qui se traduit par une variété de menaces hybrides. Les attaques par hameçonnage restent la principale menace pour l’ensemble des secteurs, tandis que le développement des outils d’intelligence artificielle est susceptible d’engendrer de nouvelles vulnérabilités. Le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act), qui entrera en application en janvier 2025, renforcera la résilience des institutions financières face à la menace cyber en imposant, notamment, une gestion des risques formalisée et une meilleure coordination des réponses aux incidents. En matière de supervision, la Banque centrale européenne (BCE) a par ailleurs organisé, de janvier à juillet 2024, son premier test de résilience cyber afin d’évaluer la réaction des banques face à un incident cyber grave, mais plausible, et leur rétablissement.

La crise climatique et environnementale requiert une coordination internationale continue. Le NGFS (Central Banks and Supervisors Network for Greening the Financial System) poursuit activement ses travaux, qui contribuent à une meilleure compréhension des effets sur la stabilité financière du dérèglement climatique et de la crise de la biodiversité. La Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) s’impliquent, par ailleurs, pleinement dans les divers travaux internationaux en matière de risque climatique. Cependant, le contexte d’alternance politique aux États-Unis pose la question de la continuité des travaux multilatéraux en la matière, sans remettre en cause les efforts de la coalition de bonnes volontés qu’est le NGFS.

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Mise à jour le 13 Janvier 2025