À votre service | Entreprises

Rapport de l’Observatoire des délais de paiement 2023

Mise en ligne le 17 Juin 2024

Par Virginie Beaumeunier, Présidente de l’Observatoire des délais de paiement, Frédéric Visnovsky
Médiateur du crédit, Vice-président de l’Observatoire des délais de paiement et Guillaume Richet-Bourbousse
Rapporteur Banque de France, direction des Entreprises.

 

C’est avec grand plaisir que j’introduis pour la première fois le rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement, à la présidence duquel j’ai été nommée en juin 2023. Grâce en particulier à l’engagement et à l’animation de Jeanne-Marie Prost, qui m’a précédée à ce poste, avec l’appui de l’équipe de la Banque de France, cet Observatoire est désormais bien ancré dans le paysage économique et a assis sa légitimité en matière de veille sur la situation des délais de paiement tant de la part des acheteurs publics que des entreprises. Au fil des années, et notamment depuis la mise en oeuvre de la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME), la situation en matière de délais de paiement s’est améliorée, en dépit de quelques accidents comme la période de la Covid-19.
 

En matière de paiement public, l’engagement de la DGFiP dans l’amélioration de la chaîne de la dépense a permis également, sur longue période, des avancées notables.

Avec le vice-président, Frédéric Visnovsky, nous avons souhaité faire évoluer la présentation de ce rapport 2023 pour le rendre un peu plus synthétique, tout en intégrant les contributions des membres de l’Observatoire, selon une formule plus thématique. Vous y retrouverez bien sûr les données habituelles sur les délais et les retards dans la sphère publique comme dans celle des entreprises. Le rapport comporte désormais une partie sur les remèdes, qui met en exergue toutes les mesures coercitives mais aussi pédagogiques mises en oeuvre ou souhaitées par les membres de l’Observatoire.

En 2023, les échanges au sein de l’Observatoire ont notamment porté sur la proposition de règlement européen concernant la lutte contre les retards de paiement. Les membres de l’Observatoire ont souhaité souligner à cette occasion le caractère équilibré du système français issu de la LME de 2008, qui prévoit un délai maximal obligatoire avec quelques dérogations sectorielles liées aux cycles de production et de distribution de certains produits, ainsi qu’un dispositif de contrôle et de sanctions qui a montré des effets positifs en ce qui concerne les délais de règlement moyens entre entreprises. Le passage d’un délai maximal de 60 jours (ou 45 jours fin de mois) à 30 jours sans dérogation possible, tel qu’envisagé par le projet présenté par la Commission, a soulevé une très forte préoccupation des membres de l’Observatoire, relayée par l’opposition du Gouvernement à cette solution. Il est en effet nécessaire de distinguer la notion de délai maximal de paiement de la problématique des retards de paiement. Les membres de l’Observatoire ont cependant reconnu l’intérêt de disposer d’un texte uniforme dans toute l’UE avec la mise en place exigée d’un dispositif de contrôle et de sanctions. Les discussions au niveau européen se poursuivent au sujet du texte.

Afin de documenter cette préoccupation, l’Observatoire a entrepris d’estimer l’impact du passage du délai maximal de paiement de 60 à 30 jours. Les détails des résultats de cette étude sont présentés dans le rapport. Il apparaît en définitive qu’un tel changement remettrait en cause assez sensiblement les équilibres de trésorerie actuels et le rôle joué par le crédit interentreprises. Si le passage à 30 jours apporterait davantage de ressources nouvelles qu’il ne créerait de besoins de liquidités nouveaux, au bénéfice essentiellement des PME et des microentreprises, son caractère rapide et indifférencié pourrait fragiliser un certain nombre de filières et finalement accroître les retards de paiement.

S’agissant des résultats en matière de délais de paiement présentés dans le rapport, les tendances sur longue période demeurent positives, tant dans la sphère publique qu’entre les entreprises. Pour autant, la situation de 2023 traduit une certaine tension et appelle une stricte vigilance.

S’agissant des délais interentreprises, la baisse des délais de paiement se confirme en 2022 selon les données de la Banque de France, ces délais se réduisant de 2 jours par rapport à 2021. La situation apparaît plus incertaine en 2023, car le taux d’entreprises constatant une augmentation de leur délai client moyen (« Days Sales Outstanding ») atteint 46 % contre 21 % en 2021 et 38 % en 2022.

Depuis plusieurs années, l’Observatoire note les différences de comportement de paiement selon la taille des entreprises et regrette en particulier les délais de paiement structurellement plus longs des grandes entreprises. En 2022, la réduction observée des délais de paiement est commune à l’ensemble des tailles d’entreprises, mais est particulièrement marquée en ce qui concerne les grandes entreprises pour lesquelles elle dépasse 4 jours pour les délais fournisseurs et 3 jours pour les délais clients. Par ailleurs, l’accroissement de la part des grandes entreprises qui paient avant l’expiration du délai plafond légal est de 5 points de pourcentage, ce qui constitue une amélioration significative. Pour autant, moins d’une grande entreprise sur deux paie à l’heure en 2022, ce qui n’est toujours pas satisfaisant.

Comme pour les années précédentes, ces différences de comportement selon la taille des entreprises contribuent à pénaliser les PME en matière de trésorerie. À partir des données d’analyse des bilans 2022, les transferts de trésorerie au profit des microentreprises et autres PME pourraient s’élever à 15 milliards d’euros en l’absence de retards de paiement. La contribution des grandes entreprises à ce transfert serait de 13 milliards d’euros.

En 2023, la situation se dégrade en ce qui concerne les retards de paiement des entreprises. Au dernier trimestre 2023, ceux-ci atteignaient pour l’ensemble des tailles d’entreprises 12,6 jours contre 11,7 à la même période de 2022. Certains secteurs continuent d’être particulièrement pénalisés par les retards de paiement : les conseils et services aux entreprises et la construction. Enfin, l’année 2023 a vu une augmentation des « grands retards » (ceux de plus de 30 jours). Fin décembre 2023, 8,3 % des entreprises en France présentaient des retards de plus de 30 jours contre 7,2 % en 2022. Pour autant, le taux d’entreprises françaises payant leurs fournisseurs sans retard a approché 50 % en 2023. Jamais la France n’avait connu un tel point haut.

S’agissant des délais de paiement publics, les niveaux atteints sont globalement satisfaisants pour l’État à l’exception toutefois du ministère de la Justice avec une augmentation de près de 6 jours du délai global de paiement, le conduisant à dépasser les 30 jours du plafond légal. Les solutions d’amélioration de la chaîne de paiement et les résultats obtenus dans certaines structures de ce ministère montrent toutefois qu’il n’y a pas de fatalité à cette situation, qui doit pouvoir s’améliorer les prochaines années.

En ce qui concerne les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, on observe une légère dégradation, principalement dans les plus grandes collectivités, mais qui maintient le délai moyen dans le respect du plafond légal. Cette légère tension est confirmée pour les départements et les régions avec une augmentation des taux de collectivités en retard contrairement aux communes pour lesquelles cette part diminue légèrement.

La situation est plus préoccupante pour les établissements de santé, qui connaissent une augmentation de 6,8 % de leurs délais moyens par rapport à l’année 2022, atteignant désormais 61,2 jours. Ce résultat demeure non seulement supérieur au délai réglementaire de 50 jours, mais aussi au niveau de 2020 (55,1 jours) à l’époque de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Corrélativement, la proportion d’établissements publics de santé qui dépassent le délai réglementaire de 50 jours progresse, passant de 37,5 % en 2022 à 41,5 % en 2023. En dépit de la tendance positive de longue période, la fragilité de la situation conjoncturelle sur les retards de paiement, peut-être due au contexte économique inflationniste, implique de renforcer la mobilisation de l’Observatoire des délais de paiement.
L’augmentation des retards en 2023 ne semble toutefois pas provenir d’un mouvement général de détérioration, car la part des paiements sans retard s’améliore plus que l’augmentation de la proportion des grands retards. Cela paraît traduire une contribution d’une partie seulement des entreprises qui repousseraient leurs paiements.

C’est la raison pour laquelle l’Observatoire a lancé un groupe de travail pour identifier les différentes causes des retards de paiement et proposer de bonnes pratiques pour les limiter. Les travaux se poursuivent en 2024.

Rendez-vous dans le rapport 2024 pour les conclusions !

VIRGINIE BEAUMEUNIER

Présidente

Télécharger l'intégralité de la publication

Mise à jour le 20 Juin 2024