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Afin d’apporter une contribution aux débats économiques nationaux et européens, la Banque de France diffuse périodiquement des prévisions macroéconomiques relatives à la France, effectuées dans le cadre de l’Eurosystème et portant sur l’année en cours ainsi que les deux années suivantes. Certaines sont suivies d’une analyse plus détaillée avec des coups de projecteurs sur certaines thématiques.
Introduction
• Après une chute de l’activité au deuxième trimestre, lors du premier confinement, puis un très net rebond de juin à septembre, l’économie française subit en fin d’année un nouveau choc négatif lié à la reprise de l’épidémie et aux mesures sanitaires. Ce deuxième confinement, allégé fin novembre avec la réouverture des commerces, a un impact significatif mais beaucoup moins fort que celui du printemps. Le PIB reculerait ainsi d’environ – 9 % sur l’ensemble de l’année 2020.
• Début 2021, l’activité économique serait pénalisée par une consommation des ménages encore contrainte, avec une levée progressive des mesures sanitaires. Dans le scénario central, l’hypothèse est que l’épidémie ne cesserait pas immédiatement et que le déploiement généralisé de vaccins ne serait pleinement effectif que vers fin 2021. Dans ces conditions, le niveau d’activité de fin 2019 ne serait retrouvé qu’à mi-2022, et le rattrapage s’étalerait sur 2021 et 2022, avec une croissance du PIB autour de 5 % sur chacune de ces deux années. En 2023, la croissance serait encore un peu supérieure à 2 %, un rythme certes toujours élevé, mais moins inhabituel.
• L’incertitude autour de ce scénario central est forte, et nous avons donc choisi de ne publier que des prévisions arrondies. Des hypothèses alternatives sur l’évolution de la pandémie amènent en outre à entourer cette projection d’un scénario favorable, dans lequel la situation sanitaire s’améliorerait nettement dès le début 2021, et d’un scénario "sévère", dans lequel le virus circulerait encore avec un haut niveau de virulence en France et dans le monde en 2021 et 2022. En 2021, en particulier, le PIB connaîtrait un rebond plus fort dans le scénario favorable (+ 7 %) et ne se redresserait au contraire pas dans le scénario "sévère" (– 1 %).
• En comparaison, la zone euro évoluerait, dans le scénario central, de façon assez similaire mais avec une chute du PIB plus modérée en 2020 (autour de – 7 %), compensée par un rebond plus faible en 2021 comme en 2022 (environ 4 %).
• Grâce à l’amortisseur des finances publiques, le pouvoir d’achat des ménages serait en moyenne préservé en 2020 et en 2021 malgré la récession. Le taux d’épargne, après son niveau record de 2020 (22 %), resterait encore élevé en 2021 dans le scénario central. De son côté, l’investissement des entreprises, après une forte chute en 2020 (– 10 %), rebondirait nettement en 2021.
• Même si l’ampleur des dispositifs d’activité partielle a permis de limiter à court terme la détérioration du marché du travail, celle-ci interviendrait, avec retard, sur les trimestres à venir et le taux de chômage atteindrait un pic proche de 11 % au premier semestre 2021. Mais il refluerait ensuite vers 9 % à fin 2022.
• Après s’être progressivement affaiblie depuis le début de l’année, l’inflation totale (IPCH) s’établirait, en moyenne annuelle, à 0,5 % en 2020. L’inflation se redresserait ensuite très progressivement pour se situer légèrement au‑dessus de 1 % en fin d’année 2023.
• Le déficit public ne reculerait que progressivement après sa forte hausse en 2020. En l’absence de mesures nouvelles de consolidation budgétaire, il serait toujours proche de 4 % du PIB en 2023, et la dette publique approcherait 120 % du PIB à cet horizon.
Projection Macro-économique - Décembre 2020
Le rebond de l’économie observé à l’été et au début de l’automne 2020 a été très net mais il est temporairement interrompu par la reprise de l’épidémie et les nouvelles mesures de restriction sanitaires mises en place depuis octobre
Comme nous l’anticipions dans nos projections macroéconomiques de septembre, le troisième trimestre 2020 a été marqué par un net rebond de l’activité après le choc du confinement du premier semestre (cf. graphique 1). Le PIB a ainsi augmenté de plus de 18 % au troisième trimestre 2020 (après – 6 % et – 14 % aux premier et deuxième trimestres), ramenant son niveau à – 4 % en dessous de celui du quatrième trimestre 2019. L’ampleur de ce rebond, proche de celui que nous inscrivions dans notre scénario favorable de juin, a été une bonne nouvelle.
La reprise de l’épidémie à partir de septembre et les mesures de restriction progressivement mises en place (cf. graphique 2) ont, d’après les données conjoncturelles disponibles, interrompu cette dynamique. Le mois d’octobre a notamment été marqué par l’instauration d’un couvre-feu, le 17, en Île-de-France et dans 8 métropoles, étendu à 54 départements le 24, avant la mise en place du confinement sur l’ensemble du territoire à partir du 30 octobre.
En novembre, les pertes d’activité liées au deuxième confinement seraient toutefois nettement moins marquées que lors du premier confinement. Ce moindre impact est la conséquence d’une plus forte différenciation de l’effet des restrictions entre les différents secteurs d’activité : le secteur manufacturier, la construction, certains services aux entreprises et les services non marchands seraient relativement moins touchés qu’au printemps. Notre prévision, finalisée le 25 novembre, intègre dans son scénario central la levée progressive des mesures de confinement à partir de fin novembre. Elle suppose que la perte d’activité resterait significative mais se réduirait en décembre, ce qui est conforme aux enquêtes de conjoncture réalisées fin novembre et début décembre auprès des entreprises et publiées le 14 décembre (cf. Point sur la conjoncture française à fin novembre 2020 pour plus de détails). Cette rechute de l’activité conduirait à un recul du PIB d’environ 9 % en moyenne sur 2020.
Cette projection a été finalisée sur la base des comptes trimestriels publiés par l’Insee fin octobre. La publication des résultats détaillés le 27 novembre, avec une légère révision en hausse du troisième trimestre n’est pas de nature à modifier significativement notre projection.
En 2021 et 2022, l’amélioration progressive de la situation sanitaire se traduirait par un net rebond de l’économie française, qui lui permettrait dans le scénario central de retrouver mi-2022 son niveau de PIB de fin 2019
À partir du début 2021, le scénario central repose sur un certain nombre d’hypothèses.
D’une part, les hypothèses concernant l’environnement international et financier, arrêtées le 18 novembre (cf. tableau A en annexe) sont celles des projections de l’Eurosystème (publiées le 10 décembre) pour l’ensemble de la zone euro. Cet environnement est globalement un peu plus porteur que dans nos projections de septembre avec la baisse récente du prix du pétrole, une légère dépréciation du taux de change effectif de l’euro et des perspectives un peu plus positives sur la demande mondiale adressée à la France. Cette dernière serait marquée par une forte baisse en 2020 (– 11 %) mais aussi un net rebond en 2021 (+ 7 %).
D’autre part, sur le plan de l’évolution de la situation sanitaire, nous faisons l’hypothèse que les mesures de confinement mises en place en novembre permettraient de maîtriser la propagation de l’épidémie d’ici à la fin 2020. Mais, par la suite, ces mesures ne seraient levées que progressivement, afin de garder le contrôle de l’épidémie et d’éviter un nouveau confinement. En cohérence avec le scénario sanitaire retenu dans les projections de l’Eurosystème pour la zone euro, nous supposons enfin que les solutions médicales de type vaccin commenceraient à être déployées au début de l’année 2021, mais de façon progressive, avec une couverture complète atteinte seulement fin 2021-début 2022.
Dans ces conditions, le rythme de la reprise économique en France en 2021 serait soutenu (proche de 5 % en moyenne annuelle) mais moins élevé que dans notre projection de septembre (7,4 %). Au premier trimestre de l’année 2021, le PIB rebondirait de presque 2 % après le creux du quatrième trimestre 2020, mais resterait près de 7 points au-dessous de son niveau de la fin 2019 (cf. graphique 1).
Avec un scénario épidémique comparable, l’activité économique de nos partenaires de la zone euro devrait suivre un profil assez similaire à celui que nous projetons pour la France (cf. graphique 4 infra). La plupart des pays de la zone euro ont en effet également connu une deuxième vague épidémique, ayant donné lieu à de nouvelles mesures sanitaires. De ce fait, le rebond du PIB amorcé au troisième trimestre en zone euro serait interrompu par une nouvelle baisse au quatrième trimestre, et la reprise de l’activité n’aurait lieu que graduellement au cours de l’année 2021. Si la chute du PIB sur l’ensemble de l’année 2020 devrait être moins prononcée en zone euro qu’en France (avec une croissance d’environ – 7 %), le rebond attendu en 2021 et 2022 (autour de 4 %) serait également moindre qu’en France.
Cette projection étant étroitement liée à l’évolution de la situation sanitaire, nous présentons également des scénarios alternatifs dans l’encadré en fin de texte. Dans un scénario "favorable", la situation sanitaire s’améliorerait plus rapidement en 2021 avec le déploiement de solutions médicales dès le début de l’année, ce qui s’accompagnerait d’un retour à la normale de l’activité plus rapide que dans notre scénario central. Dans un scénario "sévère", l’évolution de l’épidémie imposerait au contraire un maintien beaucoup plus durable des restrictions pesant sur l’activité économique (cf. graphique 3).
Dans le scénario central, le rebond de l’activité en 2021 en France serait soutenu, non seulement par celui de la consommation des ménages mais aussi, notamment, par celui de la demande publique (cf. graphique 5). D’une part, l’activité du secteur public reviendrait à la normale alors qu’elle avait été fortement réduite durant le premier confinement. D’autre part, l’investissement public rebondirait nettement, sous l’effet notamment du plan de relance. Les mesures du plan de relance à destination des ménages et des entreprises, sous la forme de subventions ou transferts, contribueraient également à renforcer le rebond de l’investissement privé en 2021. La baisse des impôts sur la production renforcerait les marges des entreprises, avec, très progressivement, des effets sur l’activité. À l’inverse, un mouvement de déstockage durable de la part des entreprises pèserait sur la reprise du PIB, en particulier en 2021.
La reprise de l’activité se poursuivrait en 2022, avec une croissance toujours soutenue, à 5 %, portée essentiellement par le retour à la normale de la consommation privée avec la levée des mesures de restriction. Le plan de relance continuerait également à soutenir en 2022 l’investissement privé et public. L’activité retrouverait ainsi son niveau d’avant-crise à la mi-2022, soit un peu plus tardivement que dans notre prévision de septembre. Son rythme de croissance se rapprocherait de son potentiel dans le courant de 2023, avec un écart de production au potentiel (ou output gap) refermé à cet horizon.
D’après nos estimations, la crise aurait réduit le potentiel d’activité de l’économie, même si les mesures monétaires et budgétaires de soutien aux entreprises décidées pendant et après les confinements devraient atténuer considérablement cette perte. À moyen terme, la chute de l’investissement productif conduirait en effet à un stock de capital productif plus faible ; de plus, les destructions d’emplois et la désorganisation des chaînes de production, notamment, affecteraient négativement la productivité dans le secteur marchand. Ainsi, la croissance potentielle baisserait à un demi pour cent en 2020 et 2021, puis remonterait autour de 1 % d’ici 2023. Elle évoluerait ensuite autour de son rythme de long terme, estimé légèrement supérieur à 1 %. En écart aux projections d’avant-crise, la perte en niveau de PIB potentiel serait de l’ordre de 2 points de pourcentage en 2023.
Encadré : Des scénarios alternatifs permettent d’envisager différentes évolutions de la pandémie, avec des impacts très différents sur le rythme de la reprise économique
Du fait de l’épidémie de Covid-19, notre projection centrale est sujette à un niveau d’incertitude nettement supérieur à celui entourant les prévisions en temps normal. Cet encadré présente donc deux scénarios alternatifs en comparaison avec notre scénario central, reflétant des dynamiques "favorable" et "sévère" de l’évolution de la situation épidémique (cf. graphique 3). Ces scénarios alternatifs sont le résultat de simulations réalisées à l’aide de notre modèle de prévision FR-BDF, construites à partir d’une combinaison de chocs spécifiques aux différents scénarios sur la demande domestique comme extérieure, ainsi que des hypothèses alternatives sur certaines variables financières. Comme en juin, ces scénarios ont été établis dans le cadre de la préparation des projections communes de l’Eurosystème pour décembre 2020 ; elles reposent ainsi sur une approche coordonnée, avec des scénarios analogues publiés par la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales.
Dans le scénario favorable, nous supposons que dans l’ensemble du monde la situation sanitaire s’améliorerait rapidement et nettement dès le début de 2021. De plus, nous faisons l’hypothèse qu’une solution médicale efficace, telle que la mise sur le marché de vaccins, serait trouvée dès le début 2021 et suivie d’un déploiement assez rapide et généralisé au cours de l’année. Un tel scénario permettrait une reprise nette de l’activité en France et dans le monde. Réagissant au succès des mesures de santé publique qui se traduirait par une levée plus rapide des mesures restrictives et une baisse de l’incertitude, les ménages augmenteraient rapidement et de façon significative leurs dépenses et réduiraient ainsi nettement leur taux d’épargne, tandis que les perspectives d’investissement s’éclairciraient de manière substantielle. Ainsi, après la dégradation à la fin 2020, l’économie suivrait une reprise en "W" et le PIB reviendrait à son niveau d’avant la crise dès la fin 2021. Après un recul toujours marqué en 2020, le rebond en 2021 et 2022 serait fort, de 7 % puis de 5 % (cf. tableau infra). Dans ce scénario, nous considérons que la pandémie n’aurait pas d’effet de long terme sur le PIB potentiel. Et l’inflation reprendrait un peu plus franchement après son très bas niveau de 2020, pour atteindre 1,2 % à la fin 2023. Dans ce contexte, la dette publique reculerait lentement sur l’horizon de prévision à un niveau proche de 110 % du PIB en 2023.
Dans le scénario sévère, nous supposons que le virus continuerait de circuler en France et dans le monde en 2021 et 2022, avec un haut niveau de virulence. Des mesures sanitaires contraignantes resteraient nécessaires, dont certaines seraient maintenues jusqu’au début 2023. Malgré les premiers résultats sur les vaccins, nous supposons que la mise en place d’un déploiement large serait finalement lente et n’atteindrait pas un niveau suffisant avant le début 2023. Après la forte baisse du PIB en 2020, des périodes étendues ou répétées de confinement ainsi qu’une incertitude économique élevée continueraient de peser sur les dépenses des ménages et des entreprises et se traduiraient par une poursuite de la détérioration au premier semestre 2021. De plus, la multiplication des défaillances d’entreprise en 2021 handicaperait la capacité de rebond de l’économie et se traduirait par une perte importante de PIB potentiel. Dans ce scénario, l’activité ne se redresserait pas en 2021 (– 1 %). De plus, la reprise en 2022 resterait progressive et contrainte par des perturbations durables sur les chaînes de valeur et un haut niveau d’incertitude économique. Du fait d’une activité économique qui serait très durablement réduite, l’inflation deviendrait négative en 2021 et 2022. Les pressions déflationnistes prévaudraient malgré des rigidités nominales à la baisse sur les salaires et les prix. Dans ce contexte, la dette publique dépasserait 130 % du PIB à partir de 2021 et augmenterait fortement jusqu’à atteindre à un niveau proche de 140 % du PIB en 2023.
En comparaison de nos projections de juin, nos deux scénarios alternatifs sont un peu plus proches du scénario central. Ceci est lié à une moindre incertitude concernant la dynamique de court terme de l’économie, qui reflète une forme d’apprentissage depuis mai dernier concernant notre compréhension des effets des mesures sanitaires sur l’économie, au moins à court terme.
Les différents mécanismes d’aides mis en place par l’État permettraient d’amortir nettement les pertes de revenus des agents privés, et plus particulièrement des ménages
Le choc d’activité en 2020 et la reprise très progressive par la suite représentent une perte importante de revenu national. Les différents agents (ménages, entreprises, administrations publiques) ne sont pas directement exposés de la même façon à ce choc dont l’impact est aussi considérablement amorti pour les agents privés par l’ampleur des mécanismes d’aides publiques (chômage partiel, fonds de solidarité, etc.). Selon nos projections, les administrations publiques supporteraient ainsi 62 % des pertes de revenu disponible brut national en 2020 (cf. graphique 6), une part très supérieure à leur poids habituel dans ce revenu (25 %). En miroir, la part des ménages dans ces pertes resterait très modérée en 2020, à hauteur de 11 %, loin de leur poids habituel de l’ordre de 60 % dans le total du revenu national. Néanmoins, la part des ménages augmenterait un peu au cours du temps, à mesure notamment que le marché du travail s’ajusterait, se rapprochant, mais restant très inférieure à son poids habituel.
L’ampleur des amortisseurs publics se traduirait dans la résistance du pouvoir d’achat des ménages en 2020. Malgré le net recul de l’activité, ce dernier augmenterait légèrement, en moyenne de 0,3 % par habitant (cf. graphique 7). Ces chiffres agrégés recouvrent bien sûr des situations très différentes selon les catégories de ménages, d’autant que l’ajustement du marché du travail s’opère en premier lieu sur les formes les plus précaires de contrats. En outre, la dégradation durable du marché du travail prolongerait les effets de la crise sur le pouvoir d’achat par habitant, dont la croissance demeurerait limitée en 2021 (+ 0,3 %) avant d’augmenter plus franchement à partir de 2022 (+ 1,4 % en 2022 et + 1,3 % en 2023).
Le contexte sanitaire continuerait de limiter un peu la consommation des ménages en 2021 avant qu’elle ne progresse très fortement en 2022, au fil aussi de l’évolution du taux d’épargne
Après un très net rebond au troisième trimestre 2020, la consommation des ménages devrait être, très vraisemblablement, de nouveau fortement restreinte par le couvre-feu de mi-octobre puis surtout par le confinement depuis fin octobre. Elle s’établirait ainsi au quatrième trimestre 2020 à un niveau inférieur de 10 % à celui du quatrième trimestre 2019. Cette dégradation de la consommation des ménages serait moindre que lors du premier confinement (– 17 % au deuxième trimestre en écart à la situation d’avant-crise). Elle serait néanmoins cette fois‑ci plus marquée que celle du PIB (cf. graphique 8) car le deuxième confinement, beaucoup plus qu’au printemps, pèse surtout sur le commerce et les services à destination des ménages. Cette réduction contrainte de la consommation des ménages se traduirait, comme au printemps 2020, par un nouveau pic de taux d’épargne au quatrième trimestre 2020 (cf. graphique 9). Fin 2020, le surplus d’épargne financière, en écart à un scénario tendanciel, serait de l’ordre de 130 milliards d’euros.
Au cours de l’année 2021, la reprise de la consommation des ménages serait étroitement liée aux conditions sanitaires. Leur amélioration progressive permettrait une nette remontée des dépenses des ménages, en particulier à partir de la fin de l’année. En miroir, leur taux d’épargne baisserait progressivement, même s’il demeurerait toujours en fin d’année au-dessus de son niveau d’avant-crise (cf. graphique 9).
En 2022 et 2023, avec la mise en place effective de vaccins, deux facteurs, outre le revenu, détermineraient le profil de la consommation : d’une part la possible constitution d’une épargne de précaution dans un environnement toujours dégradé sur le marché du travail ; d’autre part l’ampleur de la consommation du surplus d’épargne constitué en 2020 et 2021. Ces facteurs joueront en sens opposé, et nous retenons ici l’hypothèse que le taux d’épargne des ménages pourrait baisser, temporairement et assez nettement en 2022, avant de remonter, fin 2023, à un niveau plus proche de celui qui prévalait fin 2019. Ceci conduirait transitoirement à un surcroît de consommation en 2022, facteur important de la forte progression du PIB, avant que la consommation des ménages ne retrouve une tendance plus conforme à celle du PIB en 2023 (cf. graphique 8). L’évolution du comportement d’épargne des ménages constitue donc un aléa majeur de cette projection.
L’investissement des entreprises a reculé moins qu’il n’était redouté jusqu’à présent, et il serait soutenu par le plan de relance
Jusqu’à présent, l’investissement des entreprises, malgré sa diminution, s’est montré plus résilient qu’attendu puisque son recul entre la fin 2019 et le troisième trimestre 2020 n’est pas supérieur à celui du PIB (comme cela arrive souvent en temps de crise).
Même s’il serait soutenu, en 2021 et 2022, par les mesures du plan de relance et des conditions de financement restant favorables, le redressement de l’investissement des entreprises serait seulement progressif (cf. graphique 10) à mesure que les perspectives sur l’activité s’amélioreraient.
Le taux d’investissement des sociétés non financières (rapporté à leur valeur ajoutée) se maintiendrait au-dessus de son niveau de fin 2019 sur tout l’horizon de prévision même si sa progression très forte d’avant-crise s’interromprait. Du fait de l’impact de la crise sur le revenu de ces sociétés, leur taux d’autofinancement, serait réduit de presque 10 points en 2020 et 2021 et il resterait en dessous de son niveau de 2019 sur le reste de l’horizon de prévision.
Contrairement à la consommation, le recul de l’investissement des ménages au quatrième trimestre 2020 serait limité, avec le maintien de l’activité dans le secteur de la construction. À la fin 2020, il serait inférieur d’environ 11 % à son niveau d’avant-crise, après une dégradation brutale à près de – 30 % au deuxième trimestre. Mais le rebond de l’investissement des ménages serait ensuite seulement très progressif, comme suggéré par la forte baisse des demandes de permis de construire depuis le printemps dernier, puis à moyen terme par les conséquences de la dégradation du marché du travail. Le taux d’investissement des ménages (rapporté à leur revenu) ne reviendrait alors pas avant 2023 au niveau élevé observé entre 2017 et 2019.
Malgré la reprise de la demande mondiale, le taux de couverture des importations par les exportations resterait durablement dégradé
Les exportations françaises ont subi un choc de grande ampleur au premier semestre 2020, avec un recul de 30 % au deuxième trimestre 2020 par rapport à leur niveau d’avant-crise (cf. graphique 11). Le rebond a été net au troisième trimestre et devrait se poursuivre en fin d’année, malgré la situation sanitaire mondiale. Cette reprise serait soutenue par la progression de la demande mondiale adressée à la France dans un contexte où l’activité dans le secteur manufacturier et les services aux entreprises se maintiennent malgré la mise en place du confinement. En comparaison de notre prévision de septembre, la révision à la hausse de la demande mondiale hors zone euro, soutenue notamment par la reprise plus rapide qu’attendu de l’Asie, contrebalancerait une demande intra-zone euro affectée à court terme par la reprise de l’épidémie en Europe.
À moyen terme, le niveau des exportations demeurerait cependant durablement dégradé car certains points forts traditionnels de la France, en particulier le tourisme et l’industrie aéronautique, devraient rester affectés par les restrictions pesant sur les déplacements internationaux. Les exportations françaises ne retrouveraient pas leur niveau d’avant-crise avant le second semestre 2023.
Les importations chuteraient nettement en 2020 mais bien moins que les exportations, et le taux de couverture se dégraderait nettement (cf. graphique 12). Les importations seraient en effet soutenues par la relative résistance de la demande interne. Avec le rebond seulement partiel des exportations d’ici 2023, le taux de couverture se stabiliserait ensuite à ce niveau bas.
Le taux de chômage atteindrait un pic à près de 11 % au premier trimestre 2021 avant de rebaisser nettement vers 9 %
Le premier semestre 2020 a été marqué par une forte baisse de l’emploi, de l’ordre de – 850 000 (au sens des comptes nationaux trimestriels). Cette baisse de – 3 % reste néanmoins contenue au regard de l’amplitude du choc d’activité, grâce notamment à l’ampleur des dispositifs d’activité partielle. L’emploi a ensuite fortement rebondi au troisième trimestre. Il est toutefois à craindre que ce rebond ne soit que temporaire dans le contexte plus difficile de la fin d’année. Le troisième trimestre reflète en effet les à-coups sur l’intérim et probablement sur l’emploi dans les secteurs des services aux ménages comme la restauration, l’hôtellerie et les loisirs. Le retour de restrictions très fortes dans ces secteurs entraînera a priori un contrecoup significatif sur l’emploi au quatrième trimestre et au premier trimestre 2021. Le point bas de l’emploi serait atteint au premier semestre 2021. Un redressement net s’amorcerait ensuite.
Le taux de chômage (cf. graphique 13) atteindrait ainsi un point haut à 10,9 % au premier trimestre 2021, avant de diminuer progressivement pour atteindre 9,1 % à la fin 2022. La projection du taux de chômage reste toutefois incertaine du fait de comportements d’activité difficiles à prévoir dans le contexte actuel. Elle repose notamment sur l’hypothèse que le retour de la population active à un niveau proche de celui d’avant-crise, nettement amorcé au troisième trimestre 2020 après la forte baisse au premier semestre, se confirmerait sur la deuxième partie de l’année 2021.
Dans un contexte macroéconomique dégradé, l’inflation ne se redresserait que progressivement et resterait très limitée sur tout l’horizon de notre projection
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a fortement baissé au cours de l’année, de 1,7 % en début d’année à 0,1 % au mois d’octobre et 0,2 % en novembre (données flash, provisoires). Cette baisse provient pour une grande part des prix de l’énergie, qui ont fortement chuté au premier trimestre 2020 et qui ne se sont que partiellement relevés depuis. Elle s’explique aussi par un ralentissement durable des prix des services, dû essentiellement aux chocs ayant affecté les secteurs des transports (notamment aériens) et de l’hébergement. En sens inverse, une accélération des prix de l’alimentation a été observée lors des périodes de confinement, et le coût de mise en place de mesures sanitaires a pu orienter ponctuellement les prix à la hausse dans des services tels que les salons de coiffure, la réparation de véhicules ou la restauration. Toutefois, ces effets ont été temporaires et n’ont pas durablement affecté la dynamique générale de l’inflation.
La dégradation de l’activité et la faible progression des prix des intrants continueraient de peser sur la progression des prix français dans les trimestres à venir. L’inflation IPCH d’ensemble atteindrait 0,5 % en moyenne annuelle en 2020 (après 1,3 % en 2019), et serait autour de zéro en fin d’année 2020 et en début d’année 2021. Elle serait de nouveau, en moyenne annuelle, à 0,5 % en 2021. Puis elle se redresserait quelque peu en 2022 et 2023, d’abord mécaniquement, en contrecoup des fortes baisses de 2020 dans les secteurs de l’énergie et des services, puis plus structurellement sur sa composante hors énergie et alimentation avec le rétablissement graduel de l’activité économique. Elle demeurerait toutefois faible sur l’ensemble de l’horizon de prévision, s’établissant à 1,1 % en fin d’année 2023.
L’IPCH hors énergie et alimentation suivrait quant à lui une trajectoire proche de l’IPCH d’ensemble mais dans une fourchette plus étroite : il s’établirait à 0,6 % en 2020 et 0,5 % en 2021, et se redresserait progressivement pour atteindre 0,9 % en fin d’année 2023.
Les mesures d’urgence d’une ampleur inédite couplées au ralentissement de l’activité économique dégradent fortement le déficit et la dette publics, de façon durable
L’ampleur de la crise sanitaire actuelle a conduit le gouvernement à utiliser le levier budgétaire en déployant des mesures d’urgence et en annonçant un plan de relance, en partie financé par des transferts en provenance de l’Union européenne (ces projections prennent en compte le projet de loi de finances pour 2021 et le quatrième projet de loi de finances rectificatives pour 2020 ; elles intègrent, en outre, le plan France Relance comme annoncé par le gouvernement et l’hypothèse d’une mise en place dès 2021 du plan de relance européen). Les mesures d’urgence mises en œuvre et le recul marqué du PIB sur l’année 2020 ont entraîné une forte dégradation des finances publiques en 2020, qui ne se résorberait que partiellement sur l’horizon de prévision. En ligne avec les scénarios alternatifs macroéconomiques, nous construisons également deux scénarios alternatifs pour les finances publiques, qui sont décrits dans l’encadré (supra).
En 2020, le déficit public augmenterait à plus de 9% du PIB, après 3 % en 2019 (2,1 % hors double compte du CICE et de la baisse de cotisations), en raison du net recul du PIB et des mesures exceptionnelles mises en œuvre pour faire face à la crise sanitaire. D’une part, les dépenses publiques seraient tirées par les mesures d’urgence, du fait notamment du dispositif exceptionnel d’activité partielle (30 milliards d’euros selon notre évaluation), des dépenses exceptionnelles de santé (12 milliards, hors accords du Ségur de la santé) et du fonds de solidarité renforcé à destination des petites entreprises (19 milliards). D’autre part, les prélèvements obligatoires seraient diminués en 2020 par la forte contraction de l’activité et, dans une moindre mesure, par la réduction des prélèvements obligatoires issue des exonérations de cotisations sociales dans le cadre des mesures d’urgence (8 milliards) ainsi que par les mesures prévues antérieurement par la loi de finances initiale pour 2020. Du fait du creusement du déficit public couplé à la forte diminution du PIB, mais également à cause de certaines mesures neutres pour le déficit mais ayant un impact sur la dette (par l’intermédiaire notamment des participations financières de l’État dans des entreprises stratégiques), la dette publique augmenterait fortement en 2020 pour atteindre environ 116 % du PIB, après 98 % en 2019.
En 2021-2023, à législation inchangée, le déficit public se réduirait progressivement à la faveur du retour de la croissance, de la fin de mesures exceptionnelles et du versement des fonds européens, malgré la montée en charge du plan de relance. Il serait à plus de 7 % du PIB en 2021 et de 4 % en fin d’horizon en 2023. La montée en charge du plan de relance maintiendrait les dépenses publiques à un niveau élevé en 2021 et 2022, même si elles diminueraient progressivement avec la sortie des mesures liées à la situation sanitaire. Le taux de dépenses hors crédits d’impôt atteindrait encore plus de 55 % du PIB en 2023, contre 54 % en 2019. Les prélèvements obligatoires rebondiraient avec le retour de la croissance, mais resteraient toutefois diminués par la suppression des impôts de production prévue par le plan de relance et les baisses des prélèvements obligatoires décidées avant la crise. Le taux de prélèvements obligatoires atteindrait ainsi un peu moins de 44 % du PIB en 2023, contre 44,1 % en 2019.
En l’absence de mesures nouvelles de consolidation budgétaire, le déficit public resterait encore en 2023 nettement supérieur à celui prévu avant la crise sanitaire. Il dépasserait aussi le niveau de déficit public stabilisant le ratio de dette. Malgré l’effet favorable des taux d’intérêt bas, inférieurs au taux de croissance (et exerçant donc une pression à la baisse sur la dette publique), la France ne parviendrait ainsi pas à faire baisser le ratio de dette publique, qui continuerait à augmenter pour approcher 120 % du PIB en 2023.
Même si l’évolution de la pandémie est le principal aléa de cette projection, d’autres facteurs sont aussi sources d’incertitude
Au-delà de l’incertitude concernant l’évolution de l’épidémie en France et chez nos partenaires commerciaux, décrite dans l’encadré, d’autres aléas peuvent affecter cette projection.
Sur le Brexit, comme la projection zone euro de l’Eurosystème et de la Commission européenne, notre projection repose sur l’hypothèse d’absence d’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, sans toutefois que cela se traduise par des tensions financières.
Sur le plan intérieur, le rythme de consommation du surplus considérable d’épargne accumulé en 2020 jouera également un rôle important dans l’évolution de la consommation des ménages français. Il pourrait être plus important ou plus rapide que dans notre prévision centrale mais, à l’inverse, les ménages pourraient vouloir constituer une épargne de précaution supplémentaire dans un contexte de marché du travail fragile.
S’agissant de l’inflation, si les évolutions macroéconomiques d’ensemble impliquent a priori un faible dynamisme des prix, ces derniers pourraient se redresser plus franchement à mesure que la situation macroéconomique s’améliore et que certains secteurs pourraient chercher à rétablir leur situation de profitabilité. L’inflation pourrait également être temporairement plus élevée si les mesures sanitaires occasionnaient des surcoûts que les entreprises transmettraient à un moment donné dans les prix finaux aux consommateurs.
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Mise à jour le 25 Juillet 2024