Document de travail

Prix des logements, dynamique de la dette immobilière et fluctuations économiques en France : une approche semi-structurelle

Mise en ligne le 11 Décembre 2022
Auteurs : Guillaume Bove, Camille Thubin

Document de travail n°787. Nous développons un modèle de prix des logements et d'endettement des ménages et l'intégrons dans le modèle macroéconomique semi-structurel de la Banque de France afin d'analyser les implications de la dynamique de la dette immobilière sur les fluctuations économiques et la stabilité financière en France. Nos résultats montrent que la prise en compte de la vulnérabilité financière des ménages dans la distribution des prêts est essentielle pour éviter que les fortes variations du crédit et des prix de l'immobilier ne se renforcent mutuellement à long terme. De plus, notre modèle montre que les mesures de limitation de l'endettement des ménages (concernant la durée des prêts ou les plafonds d’endettement) contribuent à réduire la dynamique d'instabilité financière à court et moyen terme.

Au cours des deux dernières décennies, le prix des logements et l'endettement des ménages n'ont cessé d'augmenter en France. La dynamique conjointe des prix de l'immobilier et du crédit aux ménages joue un rôle clé dans l'évaluation par les banques centrales des évolutions futures, tant du point de vue de l'économie réelle que de la stabilité financière. Du côté de l'économie réelle, les actifs immobiliers des ménages constituent une part importante de leur patrimoine et le poids de la dette immobilière semble particulièrement sensible aux conditions macro-financières. Toute modification du marché immobilier ou des conditions de financement pourrait donc avoir des conséquences sur le cycle économique par le biais de leur impact sur les décisions des ménages. Du point de vue de la stabilité financière, les actifs immobiliers constituent une part importante des portefeuilles des banques et des investisseurs institutionnels et sont utilisés comme garantie par les ménages ou les entreprises emprunteuses. Par conséquent, toute perturbation qui affecte le marché immobilier pourrait accroître le risque d'une spirale déflationniste entre le prix des logements et les montants des crédits accordés.

L'objectif de ce document est de développer un modèle des prix de l'immobilier et de la dynamique des prêts aux ménages et d'évaluer son interaction avec d'autres variables macro-financières en l'introduisant dans le modèle semi-structurel de la Banque de France (FR-BDF), qui est utilisé pour les exercices de projections et de simulations macroéconomiques. Notre approche se concentre sur un indicateur de stress sur le marché des logements et du crédit immobilier résidentiel, qui prend notamment en compte le pouvoir d'achat des ménages et les conditions de financement du crédit (taux d'intérêt, durée du crédit). Cet indicateur est un ratio du service de la dette (ou DSR – Debt Service Ratio) qui s'avère particulièrement approprié pour tenir compte du risque des emprunteurs dans l'octroi de prêts. La valeur ajoutée de notre approche est double. Premièrement, nous adoptons une modélisation des prêts aux ménages qui prend soin de distinguer les nouveaux prêts des remboursements des emprunts passés, alors qu'une telle distinction pourtant essentielle est largement ignorée dans les tentatives de modélisation existantes. Deuxièmement, en incluant des considérations de stabilité financière dans notre modélisation, nous sommes en mesure de prendre en compte le rôle de la politique macroprudentielle dans la stabilisation de la dynamique d’endettements risqués et de simuler l'impact macroéconomique de diverses mesures prudentielles liées à l'endettement des ménages.

Nos résultats économétriques montrent clairement le rôle prépondérant des taux d'intérêt dans la dynamique du marché immobilier, en particulier à la suite de la crise financière mondiale. La baisse des taux des prêts bancaires, qui ont fortement diminué, passant d'un pic de plus de 5 % en 2008 à un creux historique de 1,2 % en 2019, s'avère être le principal facteur explicatif de l'augmentation continue du ratio du service de la dette et des prix de l'immobilier. Si l'augmentation des prix de l'immobilier soutient à son tour la dynamique de la dette immobilière, l'octroi de prêts est toutefois limité par des considérations de soutenabilité de l’endettement.

Nos simulations de modèles montrent également que la prise en compte de la vulnérabilité financière des ménages dans l'offre de crédit empêche l'économie de s'engager sur des sentiers insoutenables à long terme, la distribution des prêts étant limitée par un DSR trop élevé. Cependant, les fortes fluctuations du crédit et des prix des actifs peuvent se renforcer mutuellement à court et moyen termes, créant ainsi des effets potentiels d'accélérateur financier qui sont préjudiciables à la stabilité financière. Dans ce contexte, nous montrons que les mesures de politique macroprudentielle visant les ménages (par exemple, les limites prudentielles imposées au taux d’effort ou la réduction de la durée des prêts) contribuent à stabiliser la dynamique des prix de l'immobilier et de l'endettement.

Image New mortgage loans and dynamic contributions of its determinants

Mise à jour le 23 Octobre 2023