Défis et perspectives du marché des obligations vertes
L’évolution de ce marché est au cœur des réflexions de nombreuses banques centrales sur le financement de la transition vers une économie neutre en carbone et le rôle de la politique monétaire à cet égard (Dees, Ouvrard et Weber, 2022, Villeroy de Galhau et Dees, 2022). En effet, celle-ci est doublement concernée par la lutte contre le changement climatique. Premièrement, via son objectif d’inflation étant donné que le verdissement de l’économie risque de provoquer des tensions à la hausse sur les prix (voir Schnabel 2022). Deuxièmement, via la prise en compte de critères "verts" au sein de ses outils de politique monétaire (opérations de refinancement, règles de collatéral, programmes d’achats d’actifs, voir rapport NGFS, réseau de banques centrales et de superviseurs pour le verdissement du système financier).
Par ailleurs, certains émetteurs voient dans ces instruments l’opportunité d’envoyer un signal de marché important en faveur de la lutte contre le changement climatique, susceptible d’élargir leur base d’investisseurs et de générer des bénéfices en termes de réputation, mais également la possibilité d’émettre avec une remise (prix de l’obligation plus élevé et rendement plus faible) sur le rendement demandé par leurs créanciers. Plusieurs études cherchent ainsi à mesurer si les obligations vertes traitent à un prix plus élevé que les obligations conventionnelles (et donc avec un rendement plus faible appelé "greenium"). Si pour l’ensemble du marché les résultats divergent en raison de la difficulté à comparer des titres entre eux, Pietsch et Salakhova (à paraitre) trouvent que depuis la crise Covid un "greenium" statistiquement significatif existerait pour les obligations vertes libellées en euro.
Cependant, l’attrait pour ce marché et l’absence de cadre réglementaire contraignant autour des obligations vertes peuvent amener des suspicions de "greenwashing" (labélisation verte à tort). Afin de mieux encadrer l’émission d’obligations vertes, l’Union Européenne développe actuellement une norme "EU Green Bond Standard" et une taxonomie européennes. L’EU Green Bond Standard s’inspire des GBP en renforçant les exigences de transparence et de revue externe. La taxonomie européenne définit une liste d’activités économiques soutenables pour l’environnement, afin d’orienter les investissements vers des activités poursuivant des objectifs alignés avec les accords de Paris (l’acte délégué devrait entrer en vigueur à la mi-2022).
L’adhésion du marché à ce nouveau corpus réglementaire est encore incertaine : en raison d’un cadre plus strict appliqué aux obligations vertes, certains investisseurs pourraient préférer se tourner vers d’autres titres de dette plutôt que d’assumer le risque juridique induit en cas de non-respect des exigences requises. Ainsi, certains analystes observent depuis 2021 une forte croissance des Sustainability-Linked Bonds, qui sont des instruments de dette liés à des objectifs plus généraux de développement durable, pouvant être considérés comme moins contraignants que ceux assignés aux obligations vertes.