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Les hausses de salaire négociées pour 2025 : où en est-on ?

Mise en ligne le 26 Mars 2025
Auteurs : Laurent Baudry, Erwan Gautier, Sylvie Tarrieu

Billet de blog 400. Dans le sillage du reflux de l’inflation et de moindres hausses du Smic, les hausses de salaire négociées se sont modérées en 2024 tout en restant au-dessus de l’inflation. Les premiers accords signés pour 2025 signalent en moyenne des hausses de salaire proches de 2% dans les branches comme dans les entreprises, soit sensiblement supérieures à l’inflation. 

Graphique 1 Hausses de salaire négociées, évolutions du Smic et de l’inflation 

Image Graphique 1 Hausses de salaire négociées, évolutions du Smic et de l’inflation Thématique Salaire Catégorie Bloc-notes Éco
Sources : Légifrance – accords d’entreprise (15 000 accords de salaire entre 2018 et 2025), branches (env. 300 branches couvrant 14,5 millions de salariés) – Smic et inflation IPC Insee (moyenne du glissement annuel, dernier point février 2025)

Chaque année, des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires se déroulent à deux niveaux : dans les branches, où les partenaires sociaux négocient des grilles de minima salariaux en dessous desquels les salariés ne peuvent pas être rémunérés, et dans les entreprises disposant d’une représentation syndicale où se négocient des hausses de salaire effectif. Pour la plupart des branches et des entreprises, ces négociations se déroulent entre octobre et mars et aboutissent à des ajustements de salaire au 1er trimestre de l’année. Aussi, l’analyse des accords de salaire signés sur cette période permet de disposer d’un premier diagnostic fiable de l’évolution des salaires pour l’année. Ce billet de blog présente une première photographie des hausses négociées pour 2025, élaborée à partir des informations contenues dans près de 120 accords de branche conclus pour l’année (couvrant environ 9 millions de salariés, soit près de 50% des salariés couverts par une convention collective du privé) et environ 1 600 accords d’entreprise (couvrant plus de 700 000 salariés de l’ensemble des secteurs marchands). 

Si le regain d’inflation apparu fin 2021 a été transmis assez rapidement au Smic en raison de sa formule d’indexation automatique, pour les autres salaires la transmission s’est faite avec un délai un peu plus important lié au temps de la négociation (Graphique 1). Dans les branches comme dans les entreprises, les salaires négociés ont accéléré dès 2022, et les hausses sont restées relativement soutenues en 2023. En 2024, alors que l’inflation refluait, les hausses négociées se sont modérées tout en restant supérieures à la hausse des prix. Le repli de l’inflation (IPC) à 1,3% en moyenne entre octobre 2024 et février 2025 entraîne toutefois un repli plus marqué des hausses de salaire négociées pour 2025 : elles s’établissent en moyenne à un niveau proche de 2%, soit sensiblement au-dessus de l’inflation attendue en 2025 selon les projections de la Banque de France (1,5% pour l’IPC). En prenant aussi en compte les primes et les effets de composition, cela nous conduit à prévoir une hausse de 2,4% du salaire moyen par tête en moyenne annuelle.

En 2025, les hausses de minima de branche poursuivent leur modération, tout en restant un peu supérieure à l’inflation.

Au niveau des branches, les premiers accords signés pour l’année 2025 prévoient des hausses nominales de salaires minima moins élevées qu’en 2024. Selon notre estimation provisoire, la hausse moyenne des salaires minima de branche serait de 1,8% au 1er trimestre 2025 contre 3,6% il y a un an (Graphique 1). 

Cette modération peut d’abord s’expliquer par une inflation plus faible que les années passées, attendue à 1,5% en 2025. Ensuite, le Smic qui a pu avoir des effets d’entrainement sur les minima de branche ces dernières années, a été revalorisé de 2% fin 2024. Même si cette hausse est supérieure à l’inflation - en raison de la double indexation du Smic à l’inflation et à la moitié du pouvoir d’achat des salaires -, la progression nominale du Smic reste moins élevée que les années passées.

Graphique 2 Distribution des hausses de salaires annuelles négociées dans les branches entre 2018 et 2025

Image Graphique 2 Distribution des hausses de salaires annuelles négociées dans les branches entre 2018 et 2025 Thématique Salaire Catégorie Bloc-notes Éco
Source : accords de branches (Legifrance)
Note : le graphique donne la répartition des hausses de salaire parmi les accords de branche prenant effet un trimestre donné. Au T1 2018, 30% des hausses sont inférieures à 1%.

En 2025, les hausses négociées sont assez homogènes entre les secteurs (Graphique 2). Près de la moitié des accords prévoient des hausses inférieures ou égales à 2%, alors que cette proportion était à peine de 5% début 2024. Certains secteurs, peu nombreux, prévoient des hausses un peu plus importantes mais ce sont souvent des branches qui se sont mises tardivement en conformité avec le Smic et opèrent une forme de rattrapage. Au contraire, dans le contexte plus dégradé du marché du travail, plus de branches que les années passées ne sont pas parvenues à un accord de salaire cette année (par exemple, la métallurgie ou les transports routiers), ce qui pèserait sur l’évolution moyenne des salaires négociés en 2025. 

Quelle a été la transmission de la hausse des prix aux minima de branche lors de la vague inflationniste ? Entre fin 2020 et début 2025, les minima de branche ont progressé en moyenne d’environ 14%, soit à peu près comme la hausse des prix cumulée sur la même période (Graphique 3). Toutefois, les salaires minima proches du Smic ont progressé (comme le Smic) plus rapidement que l’inflation alors que les minima plus élevés ont augmenté moins fortement que l’inflation, ce qui a conduit à une compression de la distribution des minima de branches (Rapport Smic 2024).

Graphique 3 : Évolution cumulée des minima de branche et du Smic comparée à l’inflation cumulée depuis le 4ème trimestre 2020 (en %) 
 

Image Graphique 3 : Évolution cumulée des minima de branche et du Smic comparée à l’inflation cumulée depuis le 4ème trimestre 2020 (en %) Thématique Salaire Catégorie Bloc-notes Éco
Sources : accords de branche (Légifrance), Smic (Insee). Dernier point T1 2025.

Les accords de salaire des entreprises prévoient une hausse moyenne de 2,1% pour 2025 

Alors que les minima de branche sont une référence salariale importante pour les plus petites entreprises et certains secteurs notamment des services, les accords de salaire d’entreprise sont le plus souvent signés dans des entreprises de grande taille. L’analyse du contenu des 1 600 premiers accords signés pour 2025 permet d’établir que la hausse moyenne de ces négociations annuelles obligatoires (NAO) est de 2,1% soit une progression un peu supérieure à celle du Smic ou des minima de branche. 

Cette hausse moyenne est toutefois en net repli par rapport aux années précédentes : 3,3% début 2024 et 4,2% début 2023. 90% des entreprises pour lesquelles nous disposons d’informations sur les accords NAO 2024 et 2025 (environ 950 entreprises au total) ont signé une hausse inférieure en 2025 à celle signée en 2024 et le différentiel moyen est de -1,3 point de pourcentage. Au total, la dynamique des hausses NAO connait donc une modération marquée en 2025 en termes nominaux, même si les hausses restent en moyenne au-dessus de l’inflation prévue en 2025. 

Graphique 4 : Distribution des hausses de salaires négociées dans les entreprises entre 2018 et 2025
 

Image Graphique 4 : Distribution des hausses de salaires négociées dans les entreprises entre 2018 et 2025 Thématique Salaire Catégorie Bloc-notes Éco
Source : accords d’entreprise (Légifrance)
Note : le graphique donne la répartition des hausses de salaire parmi les accords d’entreprise prenant effet un trimestre donné. Au T1 2018, un peu moins de 30% des hausses sont inférieures à 1%.

Par ailleurs, comme au niveau des branches, les différences entre entreprises sur les hausses négociées en 2025 sont moins fortes que les années passées : plus de la moitié des accords prévoient des hausses inférieures à 2% et un quart des hausses inférieures à 1,5% (Graphique 4). Cette part reste toutefois largement en deçà de celle observée avant 2021 où plus de la moitié des accords signés contenait des hausses inférieures à 1,5%. 

Enfin, fin 2024, la proportion d’accords NAO mentionnant le versement d’une prime de partage de la valeur (PPV) est aussi en recul : moins de 20% fin 2024 alors que cette proportion était d’environ 30% fin 2023 et 40% fin 2022. Les montants prévus dans les accords de fin 2024 sont légèrement inférieurs à ceux mentionnés dans les accords signés fin 2023 ou fin 2022. 

Les chefs d’entreprise anticipent une hausse des salaires de base de 2% au cours des 12 prochains mois.

Le repli de l’inflation et la dynamique moins soutenue du Smic et des salaires négociés ont entrainé une croissance plus modérée des salaires de base (hors primes et heures supplémentaires) au cours des derniers trimestres. Sous l’effet de la hausse anticipée du Smic, cette hausse des salaires a tout de même atteint 2,8% sur un an au 4ème trimestre 2024 alors que l’inflation était à peine de 1,5% (Graphique 5). Au total, les salaires de base ont progressé de près de 13% depuis fin 2020 quand les prix augmentaient d’un peu plus de 14%. 

Comme nous l’avons vu, les accords de salaire des entreprises signés pour 2025 suggèrent que la croissance des salaires de base se replierait plus nettement début 2025 pour se situer autour de 2%, tout en se maintenant légèrement au-dessus de l’inflation.
Chaque trimestre, une enquête de la Banque de France interroge 1 700 chefs d’entreprise sur leurs anticipations d’inflation et d’augmentation des salaires de base. Au 1er trimestre 2025, en moyenne, les chefs d’entreprise anticipent une hausse des salaires de base de 2% sur les 12 prochains mois (contre 3,4% attendu fin 2023), confirmant le diagnostic obtenu à partir des accords de salaire des entreprises pour l’année 2025. 

Graphique 5 : Évolution des salaires de base et des anticipations d’évolution des salaires de base 
 

Image Graphique 5 : Évolution des salaires de base et des anticipations d’évolution des salaires de base Thématique Salaire Catégorie Bloc-notes Éco
Sources : accords d’entreprise (Légifrance), SMB (DARES), Enquête anticipations d’inflation (Banque de France) « évolution des salaires de base dans votre entreprise au cours des 12 prochains mois », inflation (Insee – dernier point février 2025)

Mise à jour le 26 Mars 2025