De nombreux travaux ont été menés pour identifier les principaux déterminants du déclenchement et du coût des crises bancaires, en particulier depuis la crise de 2008. Parmi ces déterminants, le cadre de politique macroéconomique, qui renvoie à l’ensemble des caractéristiques qui définissent et encadrent la conduite des politiques monétaire, budgétaire et de change, a largement été ignoré jusqu’ici.
L'objectif de cet article est donc d'évaluer empiriquement l'incidence du cadre de politique macroéconomique sur le coût des crises bancaires. Plus précisément, en référence au débat règle vs discrétion, nous nous concentrons sur le degré de restriction rattaché à la politique monétaire, à la politique budgétaire et au régime de change. En effet, les contraintes qui pèsent sur la conduite de ces politiques ont des effets a priori ambivalents sur le coût attendus des crises. D’une part, un cadre rigoureux est censé renforcer la discipline, la crédibilité et la responsabilité des décideurs politiques. De plus, il peut offrir des marges de manœuvre financières utiles en temps de crise. D’autre part, un cadre restrictif peut être contreproductif et procyclique, et il empêche de répondre aux chocs imprévus.
La seconde originalité de cet article est de considérer le coût non conditionnel des crises bancaires. La littérature existante se concentre sur le coût des crises bancaires en cas de crise. Cela revient à négliger les facteurs - dont le cadre de politique macroéconomique peut faire partie – pouvant expliquer pourquoi une crise se produit ou non. S’intéresser aux pertes non conditionnelles permet d’évaluer l’impact des différents régimes de politique macroéconomique sur le coût espéré des crises, comme on le ferait dans le cadre d’une analyse coûts-bénéfices.
Les résultats de notre étude, qui couvre 146 pays sur la période 1970-2013, révèlent que le cadre de politique économique est effectivement important pour expliquer les pertes en PIB liées aux crises bancaires. Plus précisément, nous trouvons qu’il existe un arbitrage entre rigueur et flexibilité. L'absence de restriction implique des coûts relativement élevés. Par exemple, les pertes attendues sont environ cinq fois plus élevées dans les pays qui n'ont pas de règles de solde budgétaire, comparativement à ceux qui ont une règle budgétaire avec clauses de flexibilité. De même, à l'autre extrême, des caractéristiques très contraignantes, telles que celles attachées aux régimes de change strictement fixes ou flottants, aux règles budgétaires sans clauses, ainsi qu’un degré élevé de conservatisme et d'indépendance des banques centrales, tendent à engendrer un coût des crises relativement élevé.
Au contraire, les règles budgétaires assorties de clauses de flexibilité, les régimes de change intermédiaires et une politique de ciblage de l'inflation permettent d’atténuer significativement l’espérance de coût des crises bancaires. Par exemple, les pertes réelles attendues sont environ deux fois plus élevées dans les pays soumis à un régime de change strictement flottant ou fixe que dans ceux soumis à un régime de change intermédiaire. De même, la poursuite d'une stratégie de ciblage de l'inflation réduit de moitié les coûts réels liés aux crises bancaires.
Ces régimes « intermédiaires » ont la particularité de combiner discipline et flexibilité. Par conséquent, nos résultats soulignent les avantages des cadres de politique macroéconomique fondés sur la « discrétion contrainte ». Il y a deux décennies, dans un article très influent, Bernanke et Mishkin (1997) affirmaient que la discrétion contrainte constitue un compromis souhaitable pour la stabilité macroéconomique, en particulier via l'adoption d’une stratégie de ciblage d'inflation. Dans cet article, nous montrons que la discrétion contrainte permet également de réduire les coûts réels associés aux crises bancaires.