Des actions ont été menées pour augmenter la présence de femmes dans l’enseignement et la recherche, et de nombreuses études confirment l’existence d’une discrimination positive dans différentes sphères de la vie économique partout dans le monde. Ces études témoignent d’une prise de conscience des inégalités de genre. Par exemple, une étude de Thomas Breda et Mélina Hillion révèle que les femmes bénéficient, en France, d’un biais favorable pour le recrutement des professeurs du secondaire. L’optimisme qui dérive de telles études a cependant été mis en cause par une série de travaux récents concernant les attitudes dans le milieu de la recherche et de l’enseignement en économie.
En dépit d’une prise de conscience progressive, hommes et femmes ne sont toujours pas traités de la même façon. Dans les panels de recrutement par exemple, des questions concernant la qualité scientifique d’une candidate sont souvent évoquées lorsque ses publications ont été coécrites avec des hommes, alors que cette question n’est pas abordée pour les candidats masculins. Selon, Heather Sarsons et ses coauteurs, aux États-Unis, le genre des coauteurs n’interfère pas dans la promotion des hommes. En revanche, pour les femmes, les articles co-écrits avec des hommes ont un impact plus faible sur la probabilité d’obtention d’une promotion, contrairement à ceux écrits par une seule ou plusieurs autrices. Ainsi, lorsqu’une femme cosigne un article avec un homme, la communauté académique interprète ou juge a priori sa contribution inférieure à celle de son co-auteur masculin.
Par ailleurs, dans les séminaires de recherche, la place d’un homme est plus enviable que celle d’une femme, comme témoignent les données des centaines de séminaires mises en évidence par Pascaline Dupas et ses coauteurs. Lorsque des questions sont posées à une chercheuse qui présente l’un de ses travaux, il y a souvent un homme dans l’audience pour répondre sans la laisser parler. Un tel comportement est rare quand il s’agit d’un homme. Une femme aurait-elle besoin d’aide pour faire comprendre son message ? Cette attitude se répercute sur les publications. Une étude d’Erin Engel révèle que les évaluateurs et éditeurs des revues les plus prestigieuses prennent plus de temps pour répondre aux autrices. Ils leur demandent davantage de révisions même si la qualité des textes est identique lorsque l’on compare la première version des articles. À contrario, la version publiée est de meilleure qualité pour les femmes, en raison des exigences plus fortes des éditeurs.
De même pour les lettres de recommandation qui décrivent les candidates comme "travailleuses" et les candidats comme "brillants", les articles écrits par des femmes sont moins cités, et, encore plus grave, dans les sites de discussion anonymes de la discipline elles reçoivent plus de commentaires concernant leur apparence et vie personnelle que sur leurs travaux académiques.
Comment réconcilier ces résultats avec le discours prévalant dans la profession concernant l’importance d’augmenter le nombre de femmes ? Les travaux cités révèlent la présence d’une "discrimination implicite", correspondant à ce que les psychologues désignent par "des attitudes subconscientes qui peuvent correspondre ou non aux attitudes explicites". Contrairement à la discrimination explicite, la discrimination implicite dérive de constructions sociales ancrées dans nos sociétés de telle manière que nous n’avons pas conscience du processus de discrimination en cours. Des individus convaincus de vouloir promouvoir des femmes peuvent, en réalité, les discriminer de façon inconsciente.