La transition verte aura un coût avec des conséquences probables sur l’inflation (Dees et al. 2023, Ferrari et al. 2022). Dans le même temps, cette dernière peut avoir un impact inégal sur les entreprises, notamment sur les prix de leurs intrants (Chava et al., 2022). L’analyse de l’impact de la politique monétaire sur les entreprises vertes et brunes (Havrylchyk et Pourabbasvafa, 2023) montre des différences importantes entre les entreprises ayant de bonnes performances environnementales et celles qui n’en ont pas. Ce billet suggère que les mêmes différences peuvent influencer les canaux par lesquels l’inflation impacte les entreprises avec pour conséquence un effet inégal selon que les entreprises sont vertes ou brunes. Toutefois, il est difficile de déterminer le sens agrégé de cet impact.
L’intensité en main-d’œuvre des entreprises vertes et brunes les expose de manière inégale aux tensions inflationnistes
Les entreprises vertes ont tendance à être plus intensive en main-d’œuvre, tandis que les entreprises brunes sont plus intensives en capital (corporel). Le graphique 1 [partie gauche] montre la corrélation négative entre les intensités d’émissions des entreprises et leur ratio travail/capital (le ratio entre les EATP des entreprises et leurs immobilisations corporelles nettes réelles (corrigées de l’indice des prix de production (IPP)). Pour les entreprises se situant dans les 25 % inférieurs de l’intensité d’émissions (entreprises vertes), la médiane est de 35 salariés par million de dollars d’immobilisations corporelles nettes (propriétés, installations et équipements, PIEN dans ce qui suit), tandis que pour celles se situant dans les 25 % supérieurs (entreprises brunes), elle est de 7 salariés seulement. L’intensité en main-d’œuvre plus élevée des entreprises vertes reflète leur investissement en capital incorporel plus important (examiné ci-dessous) et leurs secteurs d’activité, généralement les services et/ou la technologie.
Cet écart d’intensité en main-d’œuvre entre entreprises vertes et brunes, associé aux différences de rigidité des taux d’inflation pour les salaires et pour les biens d’investissement (graphique 1, partie droite), pourrait avoir pour conséquence un impact inégal de l’inflation sur les entreprises vertes et brunes. Lors des épisodes inflationnistes, les prix des intrants des entreprises vertes, soit principalement les salaires, sont soumis à des pressions à la hausse moins fortes que les prix des intrants des entreprises brunes, qui intègrent principalement des biens tangibles. Toutefois, en période de faible inflation, les entreprises vertes sont confrontées à une hausse des prix des intrants plus forte que les entreprises brunes en raison de la rigidité de la croissance des salaires, coût qu’elles ne peuvent pas répercuter sur leur production.
Les effets de richesse et sur le crédit de l’inflation sont plus favorables aux entreprises brunes
Les entreprises brunes détiennent en général nettement plus de capital corporel sous forme d’immobilisations corporelles (PIEN), et moins de capital incorporel (brevets et fonds de commerce, capital opérationnel et formation des salariés) que les entreprises vertes. Cette distinction transparait également clairement dans leurs investissements, les entreprises brunes affichant des dépenses en capital plus élevées et les entreprises vertes des dépenses en R&D et des investissements en capital organisationnel plus importants (graphique 2).
Cette différence peut modifier l’impact de l’inflation sur les entreprises vertes et brunes de deux manières. Premièrement, l’inflation correspond à une augmentation des prix d’actifs tels que le capital corporel, sans incidence sur les prix du capital incorporel, ce dernier étant beaucoup plus difficile à valoriser (Falato et al. 2022). Par exemple, le capital incorporel constitué par la formation des salariés ou le capital organisationnel est très spécifique à l’entreprise et ne peut être échangé. D’où un effet de richesse de l’inflation pour les entreprises brunes disposant de capital corporel, alors qu’aucun effet de ce type n’est observé pour les entreprises vertes.
Deuxièmement, le capital corporel peut être utilisé comme collatéral pour garantir des prêts bancaires, contrairement au capital incorporel, par nature difficile à redéployer et à valoriser (Falato et al. 2022). Par conséquent, la capacité d’emprunt des entreprises brunes se renforce lorsque l’inflation fait augmenter les prix du capital corporel, tandis que les entreprises vertes ne sont pas affectées de la même manière. Ces canaux fonctionnent tous deux de telle sorte qu’ils bénéficient de manière disproportionnée aux entreprises brunes en période d’inflation élevée.