Document de travail

Haute tension : financer la voie vers la sortie du charbon

Mise en ligne le 3 Septembre 2024
Auteurs : Camille Macaire, Fabio Grieco, Ulrich Volz, Alain Naef

Document de travail n°960. Selon l'Agence internationale de l'énergie, pour maintenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5 °C, il faut éliminer complètement la production d'électricité à partir du charbon d'ici à 2040. Si le parc actuel de centrales à charbon continuait à fonctionner en l’état, les émissions mondiales de CO2 ne diminueraient que d'un quart d'ici à 2040. Dans cet article, nous étudions une stratégie de fermeture anticipée des centrales à charbon. Nous utilisons la base de données Global Coal Plant Tracker pour déterminer quelles centrales à charbon pourraient être fermées en priorité, et combien devraient l'être pour respecter le scénario 1,5 °C. Nous évaluons ensuite les coûts qui y sont associés. Nous montrons que 70 % de la capacité du parc de centrales au charbon en activité devrait être mise hors service dès maintenant, ce qui correspond à des actifs échoués d'une valeur de 842 milliards de dollars au niveau mondial. Le remplacement des centrales à charbon, actuellement en service ou dont la construction est planifiée, par des sources d’énergie bas-carbone, impliquerait un coût beaucoup plus important de 4500 Mds de dollars au niveau mondial. Ces investissements impliqueraient également d'importants coûts liés à la dette, estimés à 3100 Mds de dollars au niveau mondial, ce qui porterait le coût total à 8 400 Mds de dollars. Cependant, les coûts opérationnels des centrales à charbon sont beaucoup plus élevés que ceux des infrastructures énergétiques bas-carbone, notamment parce que les centrales ont besoin de combustible pour fonctionner et parce que les émissions de CO2 devraient être tarifées. Nous montrons que les gains opérationnels nets cumulés liés au remplacement des centrales au charbon par des alternatives bas-carbone dans le cadre d’un scénario 1,5 °C s'élèveraient à 3 800 Mds de dollars dans le monde, compensant ainsi près de la moitié des coûts totaux. En réduisant les coûts de financement et en augmentant la tarification du carbone, l'équation totale pourrait même devenir positive, c'est-à-dire que les gains de la transition seraient supérieurs aux coûts totaux à long-terme.

Image Total cumulated costs implied by the 1.5°C pathway, trillion USD Thématique Green finance, sustainable development, climate transition Catégorie Working paper
Total cumulated costs implied by the 1.5°C pathway, trillion USD

Le charbon est la plus grande source d'émissions de CO2, ce qui fait de son élimination progressive un objectif essentiel pour atténuer le changement climatique. Comme le mentionne le communiqué de presse de l'initiative « Coal Transition Accelerator » de la COP28, les projections du GIEC, de l'ONU et de l'AIE soulignent la nécessité d'accélérer l'élimination progressive du charbon dans le mix énergétique mondial afin de maintenir l'objectif de 1,5 °C fixé par l'Accord de Paris. Ce papier aborde la question de savoir par où commencer et quelle est l'ampleur des efforts nécessaires.

Nous nous concentrons sur les centrales à charbon dédiées à la production d’électricité, qui représentent deux tiers des émissions totales liées au charbon et un quart des émissions mondiales de CO2. Nous développons un indice à plusieurs niveaux basé sur les caractéristiques des centrales (âge, émissions et technologie) et sur l'état de préparation à la transition des pays. Cette analyse porte sur les 7 573 centrales au charbon actuellement en activité ou en construction, répertoriées dans la base de données Global Coal Plant Tracker. Nos conclusions suggèrent qu'il est essentiel de donner la priorité à la mise hors service des centrales les plus anciennes et les plus polluantes dans les pays les mieux préparés à la transition. Dans le cadre d'une telle stratégie, les centrales qui doivent être fermées représentent 70 % de la capacité mondiale actuelle de production d'électricité à partir du charbon, avec des coûts d'actifs échoués s'élevant à 842 milliards de dollars. Les centrales au charbon restantes pourraient continuer à fonctionner jusqu'à la fin de leur durée de vie, en supposant qu'aucune nouvelle centrale ne soit construite.

Cependant, il n'est pas possible de fermer les centrales au charbon sans les remplacer par des capacités énergétiques bas-carbone. Nous estimons le coût de ce remplacement, y compris les coûts initiaux (actifs échoués et capital d'investissement pour les nouvelles centrales à faible émission de carbone) et la valeur actuelle des coûts d'exploitation (intérêts de la dette, coûts opérationnels liés au combustible, au CO2, à l'exploitation et à la maintenance). Les besoins en investissements initiaux sont élevés et le coût de la dette exacerbe ce défi, ce qui peut décourager (zone  « haute tension ») la transition nette zéro. Le remplacement des capacités au charbon par des capacités équivalentes bas-carbone compatible avec le scénario « zéro émission nette » (NZE) de l’AIE est estimé à 8,4 billions de dollars, dont 3,1 billions de dollars de coûts de financement de la dette. 

Toutefois, en dépit de ces coûts élevés, l'abandon du charbon peut permettre de réaliser des économies nettes substantielles grâce à la baisse des coûts opérationnels liée au remplacement par des énergies bas-carbone, qui s'élèvent à 3,8 billions de dollars. En outre, l'augmentation du coût des émissions de CO2 par la tarification du carbone et la réduction du coût du capital pour les pays en développement renforceraient encore l'argumentaire en faveur du remplacement du charbon par les énergies renouvelables. Dans certains scénarios, tels qu’avec la trajectoire de tarification du carbone du scénario NZE avec des coûts du capital plus faibles, l'élimination progressive du charbon requise par le scénario NZE pourrait entraîner des gains économiques nets de 2,6 trillions de dollars au niveau mondial.


Mots-clés : élimination progressive du charbon, scénarios de transition, décarbonisation, fermeture anticipée des centrales à charbon, transition juste
 
JEL classification: Q58, Q48, Q50
 

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Mise à jour le 5 Septembre 2024