Les banques centrales suivent l’inflation grâce à de multiples indicateurs
L’objectif de stabilité des prix des banques centrales, notamment la BCE, nécessite qu’elles puissent évaluer non-seulement l’évolution courante et future de l’inflation mais aussi la perception qu’en ont les agents économiques. Concernant l’inflation courante, les indices de prix à la consommation publiés par les instituts statistiques nationaux tels que l’Insee sont ainsi analysés de près, que ce soit l’inflation totale, ses composantes ou les mesures excluant les éléments les plus volatils. Elles font aussi l’objet de projections afin d’évaluer les risques inflationnistes ou déflationnistes pesant sur l’économie.
Le maintien de la stabilité des prix nécessite également que les anticipations d’inflation des agents, ménages ou entreprises, restent ancrées autour de la cible d’inflation fixée par la banque centrale. Pour mesurer les anticipations d’inflation, plusieurs indicateurs sont utilisés : i) les anticipations issues des marchés financiers, mesurées à partir d’obligations indexées ou de produits dérivés sur l’inflation, ii) les anticipations des prévisionnistes issus d’enquêtes (le Consensus Forecast ou l’Enquête auprès des prévisionnistes professionnels, par exemple), iii) les anticipations des entreprises (comme dans le cas de la France, la nouvelle enquête menée auprès des chefs d’entreprise par la Banque de France) et iv) les anticipations des ménages issues d’enquêtes (cf. par exemple l’enquête menée auprès des consommateurs par la Commission européenne ou l'enquête CES de la Banque Centrale Européenne). L’analyse présentée ici se concentre sur la façon dont l’inflation est perçue au travers de certains médias et les anticipations à court terme qui peuvent en être dérivées.
L’analyse textuelle de données alternatives pour compléter les sources traditionnelles
Les médias diffusent de nombreuses données qui peuvent refléter les perceptions et anticipations d’inflation des ménages et des entreprises. Il s’agit des médias traditionnels comme la télévision, la radio et la presse écrite ou des réseaux sociaux. Dans le cas de la presse et des réseaux sociaux, traiter cette masse d’informations exige de faire appel aux techniques de la science des données qui analysent les données qualitatives textuelles et les transforment en données quantitatives chiffrées utilisables notamment par les économistes sous la forme d’indicateurs.
Un récent travail de ce type, réalisé à la Banque de France sur données françaises, collecte et analyse plus d’un million d’articles issus de la presse écrite depuis 2003 (source Factiva) ainsi qu’environ quatre millions de tweets depuis 2012 (source Twitter) pour construire des indicateurs de perception d’inflation (dans l’esprit des travaux d’Angelico et al. 2022 pour l’Italie).
La méthode repose sur la sélection des articles et des tweets à partir de mots-clés (relatifs au champ sémantique de l’"inflation" ou des "prix"). Des algorithmes de filtrage et de classification sont utilisés pour ne garder que ceux qui traitent véritablement de l’inflation et pas d’autres thèmes ("prix" littéraires par exemple) et pour déduire la direction de l’inflation/des prix potentiellement mentionnée dans le texte (hausse, baisse ou stabilité). Des extensions ont également été explorées, pour exclure les articles susceptibles de refléter le point de vue des banques centrales elles-mêmes, et se concentrer davantage sur les ménages.
Le graphique 2 montre le nombre d’articles de presse et de tweets résultant de la première étape de filtrage et pouvant s’interpréter comme un indicateur d’attention à l’inflation dans les médias (traditionnels et réseaux sociaux). À première vue, l’attention à l’inflation paraît augmenter lors d’épisodes très inflationnistes ou déflationnistes – lorsque l’inflation s’écarte de sa valeur moyenne –, et en particulier sur la période récente, depuis mi-2021 (encadrée sur le graphique 2).