Bulletin de la Banque de France

Convergence trading, arbitrage et risque systémique aux États-Unis

Mise en ligne le 6 Mai 2021
Auteurs : Hugues Dastarac

Bulletin n°235, article 1. Le convergence trading et en particulier l’arbitrage, pratiqué à grande échelle par les banques d’investissement et les fonds spéculatifs (hedge funds), contribue à la bonne intégration des marchés financiers. Mais il engendre aussi un risque systémique, dans la mesure où cette opération implique un endettement de court terme qui peut s’interrompre en période de tension sur les marchés. Les arbitragistes sont alors forcés de liquider en urgence leurs positions, entraînant des chutes et des écarts anormaux de prix d’actifs. Ce risque s’est matérialisé aux États-Unis, sur le marché des emprunts du Trésor, au cours des crises de 1998 – avec la faillite du fonds LTCM – et de 2008, mais a finalement été contenu lors de la crise sanitaire de 2020. L’intervention ou la non-intervention de la Réserve fédérale sur ce marché peut être mise en relation avec la sévérité des crises financières.

Image Convergence trading, arbitrage et risque systémique aux États-Unis

1. Que sont le convergence trading et l’arbitrage ?

Le convergence trading consiste à profiter d’un écart de prix entre deux actifs dont les prix sont supposés converger à court ou moyen terme. Il est pratiqué majoritairement par les banques d’investissement et les hedge funds. Il est aussi appelé relative value trading ou pairs trading (pour stratégie d’investissement en valeur relative ou par couple d’actifs). Lorsque les actifs en question sont quasi identiques, on parle d’arbitrage.

Comment profiter de l’écart de prix ?

Supposons, pour illustrer, deux obligations émises par le même émetteur, de maturité semblable, les autres clauses contractuelles étant analogues (priorité de remboursement en cas de défaut, présence d’une option de remboursement anticipé pour l’émetteur, coupons versés, etc.). Il s’agit dans un premier temps d’acheter l’obligation la moins chère, notée A, et de vendre à découvert l’obligation la plus chère, notée B, c’est-à-dire l’emprunter auprès d’un investisseur pour la vendre sur le marché ; puis, dans un second temps, de revendre l’obligation A et de racheter l’obligation B et la restituer à son propriétaire.

L’opération est profitable si les prix de A et de B ont convergé. Si par exemple le prix de l’obligation A a baissé, le resserrement des prix signifie que le prix de l’obligation B a encore plus diminué ; la perte réalisée sur l’achat/revente de l’obligation A est plus que compensée par le gain réalisé sur la vente/rachat de l’obligation B. Le même raisonnement s’applique si le prix de B a augmenté.

En général, un convergence trade est un pari qui peut être aussi risqué qu’une stratégie misant sur la hausse ou la baisse de n’importe quel actif. Dans le cas de l’arbitrage, les deux obligations A et B sont très similaires. Un investisseur souhaitant acheter l’une des deux préférera probablement l’obligation la moins chère, faisant augmenter son prix. Suivant ce raisonnement, les prix doivent converger à terme, et le risque rester limité ; mais les écarts de prix, donc les opportunités de profit, restent faibles dans ces conditions. Pour profiter de rendements à un niveau acceptable pour l’actionnaire, l’arbitragiste est conduit à s’endetter parfois massivement, ce qui génère des risques importants (cf. infra).

La stratégie du fonds LTCM

Lancé en 1994, le hedge fund LTCM (Long Term Capital Management) arbitrait l’écart entre les obligations du Trésor américain récemment émises (on-the-run), plus liquides et donc plus chères, et des obligations du Trésor émises quelques mois auparavant (off-the-run), moins liquides et moins chères.
 

Mise à jour le 25 Juillet 2024