Bulletin de la Banque de France

Choc gazier : plus jamais ça ?

Mise en ligne le 7 Mai 2024
Auteurs : Colin Baget, Guillaume Gaulier, Juan Carluccio, Arthur Stalla-Bourdillon, Jean-Baptiste Gossé, Florian Le Gallo, Aymeric Schneider

Bulletin n°252, article 1. À la suite des premières perturbations sur l’offre de gaz russe fin 2021, et surtout dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, le prix du gaz en Europe a fortement augmenté, avant de refluer en 2023. Alors que le gaz naturel ne représente qu’une faible part des importations européennes totales, comment expliquer que ce choc ait eu une telle influence sur les dynamiques inflationnistes en zone euro ? Cet article vise à analyser les mécanismes de transmission du choc énergétique, en se concentrant sur les spécificités des marchés du gaz et de l’électricité qui ont constitué des facteurs amplificateurs de la crise. Il examine également les stratégies adoptées par l’Union européenne pour réduire sa vulnérabilité face à de futurs chocs, notamment par la réforme de son marché de l’électricité.

Image Choc gazier : plus jamais ça ?
Prix à la consommation et prix de gros de l'électricité en France, en Allemagne et en zone euro, 2019-2023

1  Comment le choc sur le gaz russe a t il affecté les prix de gros et de détail du gaz naturel et de l’électricité ?

Les ruptures d’approvisionnement du gaz russe à l’origine des tensions sur les prix de gros

En amont de la guerre en Ukraine, l’Europe dépendait fortement de la Russie pour ses importations de gaz naturel. Ainsi, 155 milliards de mètres cubes (mmc) par an étaient importés de Russie pour une consommation de 388 mmc, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

L’offre de gaz russe a commencé à être perturbée fin 2021 avec les premiers rationnements de la part de Gazprom. Toutefois, les exportations de gaz russe à destination de l’Union européenne ont véritablement diminué avec la cessation en mai 2022 des flux de gaz à destination de la Pologne via le gazoduc Yamal et la fermeture de Nordstream 1 début septembre 2022. Leurs flux représentaient respectivement 32 mmc de gaz naturel et 57 mmc d’exportations de gaz en 2021.

La conséquence immédiate de ces ≪ chocs d’offre ≫ négatifs a été la très forte augmentation des prix de marché du gaz naturel, notamment l’indice néerlandais de référence européen TTF (cf. graphique 1). Ce dernier est ainsi passé de 47 euros/MWh en moyenne sur 2021 à 132 euros/MWh en 2022, avec un pic à 311 euros/MWh en août. Le TTF a cependant fortement décru depuis le pic de l’été 2022, et atteint 28 euros/MWh fin janvier 2024. De la même manière, dans la mesure ou le gaz naturel est utilisé comme intrant par certaines centrales électriques, les facteurs inflationnistes (puis déflationnistes) sur le gaz naturel se sont propagés aux prix de gros de l’électricité (cf. graphique 1). Les mécanismes de contagion des prix du gaz a ceux de l’électricité sont détaillés dans la prochaine section.

Confrontée au choc d’offre de 2021 2022, l’Europe a toutefois su pallier les ruptures d’approvisionnement, ce qui explique en partie la chute marquée des prix de gros depuis 2022. En premier lieu, les pays européens ont augmenté leurs importations de gaz naturel liquéfié (GNL), en provenance notamment des États Unis.
 

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