Bulletin économique de la BCE

Bulletin économique de la BCE n°6/2023

Mise en ligne le 28 Septembre 2023

Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l’article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.

Évolutions économiques, financières et monétaires

Vue d’ensemble

L’inflation continue de se ralentir, mais devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Afin de soutenir les progrès vers sa cible, le Conseil des gouverneurs a décidé, lors de sa réunion du 14 septembre 2023, d’augmenter les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base.

Cette hausse des taux reflète l’évaluation par le Conseil des gouverneurs des perspectives d’inflation, compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Les projections macroéconomiques de septembre 2023 établies par les services de la BCE pour la zone euro tablent sur une inflation moyenne de 5,6 % en 2023, 3,2 % en 2024 et 2,1 % en 2025. Cela représente une révision à la hausse pour 2023 et 2024 et une révision à la baisse pour 2025. La révision à la hausse pour 2023 et 2024 reflète essentiellement une trajectoire plus élevée des prix de l’énergie. Les tensions sous-jacentes sur les prix restent fortes, même si la plupart des indicateurs ont commencé à se modérer. Les services de la BCE ont légèrement révisé à la baisse la trajectoire projetée de l’inflation hors énergie et produits alimentaires, à 5,1 % en moyenne en 2023, 2,9 % en 2024 et 2,2 % en 2025. La transmission des précédentes hausses des taux décidées par le Conseil des gouverneurs demeure vigoureuse. Les conditions de financement se sont encore resserrées, freinant de plus en plus la demande, ce qui constitue un élément important pour ramener l’inflation au niveau de la cible. Eu égard à l’incidence croissante de ce resserrement sur la demande intérieure et au ralentissement du commerce international, les services de la BCE ont sensiblement révisé à la baisse leurs projections de croissance économique. Ils s’attendent désormais à une croissance économique dans la zone euro de 0,7 % en 2023, 1,0 % en 2024 et 1,5 % en 2025.

Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de la cible. Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d’intérêt seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire.

Activité économique

L’économie devrait rester atone dans les prochains mois. Elle a globalement stagné au premier semestre de l’année, et les récents indicateurs semblent attester de sa faiblesse également au troisième trimestre. La baisse de la demande d’exportations adressée à la zone euro et l’incidence de conditions de financement restrictives freinent la croissance, notamment via la baisse de l’investissement résidentiel et des entreprises. L’activité dans le secteur des services, qui avait bien résisté jusqu’à présent, s’affaiblit également désormais. À terme, l’économie devrait se redresser avec l’augmentation anticipée des revenus réels, favorisée par un ralentissement de l’inflation, la hausse des salaires et un marché du travail dynamique, ce qui soutiendra les dépenses de consommation.

Le marché du travail est demeuré robuste jusqu’à présent malgré le ralentissement de l’économie. Le taux de chômage est resté à son niveau historiquement bas de 6,4 % en juillet. Bien que l’emploi se soit accru de 0,2 % au deuxième trimestre, sa dynamique se ralentit. Même le secteur des services, qui a été un moteur essentiel de la croissance de l’emploi depuis la mi-2022, crée moins d’emplois désormais.

Les perspectives de croissance à court terme se sont détériorées dans la zone euro tandis que, à moyen terme, l’économie devrait graduellement retrouver une croissance modeste sous l’effet du redressement de la demande tant intérieure qu’extérieure. L’activité économique dans la zone euro a progressé de façon modérée au premier semestre 2023 malgré le niveau considérable des carnets de commandes dans le secteur manufacturier et la détente des prix de l’énergie. En outre, ces effets se sont largement atténués et les indicateurs à court terme font état d’une stagnation à court terme face au durcissement des conditions de financement, à la faiblesse de la confiance des chefs d’entreprise et des consommateurs et à une demande extérieure atone dans un contexte de renforcement de l’euro. La croissance devrait se redresser à partir de 2024, la demande extérieure se rapprochant de sa tendance d’avant la pandémie et les revenus réels s’améliorant, à la faveur du recul de l’inflation, d’une progression soutenue des salaires nominaux et d’un chômage toujours faible, quoiqu’en légère hausse. Toutefois, la croissance continuera d’être freinée à mesure que le resserrement de la politique monétaire de la BCE et les conditions défavorables de l’offre de crédit se répercutent sur l’économie réelle et que les mesures de soutien budgétaire sont progressivement retirées. Dans l’ensemble, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume devrait se ralentir, de 3,4 % en 2022 à 0,7 % en 2023, avant de se redresser pour atteindre 1,0 % en 2024 et 1,5 % en 2025. Par rapport aux projections de juin 2023 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives de croissance du PIB ont été révisées à la baisse de 0,2 point de pourcentage pour 2023, 0,5 point de pourcentage pour 2024 et 0,1 point de pourcentage pour 2025, reflétant une dégradation significative des perspectives à court terme, dans un contexte de détérioration des indicateurs tirés d’enquêtes, de durcissement des conditions de financement – y compris des effets plus néfastes sur l’offre de crédit – et d’une appréciation du taux de change de l’euro.

Alors que la crise énergétique s’estompe, les pouvoirs publics devraient continuer de retirer les mesures de soutien correspondantes. Cela est essentiel pour éviter d’accentuer les pressions inflationnistes à moyen terme, qui exigeraient, sinon, une réponse de politique monétaire encore plus forte. Les politiques budgétaires doivent être conçues de manière à rendre l’économie de la zone euro plus productive et à réduire progressivement les niveaux élevés de dette publique. Des politiques de renforcement de la capacité d’offre de la zone euro – que soutiendrait la mise en œuvre intégrale du programme « Next Generation EU » – peuvent contribuer à atténuer les pressions sur les prix à moyen terme, tout en encourageant la transition écologique. La réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE devrait être conclue avant fin 2023 et les progrès vers l’union des marchés des capitaux accélérés.

Inflation

L’inflation s’était ralentie à 5,3 % en juillet, mais est restée à ce niveau en août, selon l’estimation rapide d’Eurostat [1]. Cette interruption est imputable à la hausse des prix de l’énergie par rapport à juillet. L’augmentation des prix des produits alimentaires s’est atténuée depuis le pic enregistré en mars, mais s’élève encore à près de 10 % en août. Au cours des prochains mois, les fortes hausses de prix observées à l’automne 2022 ne seront plus prises en compte dans les taux annuels et l’inflation devrait donc diminuer.

L’inflation hors énergie et produits alimentaires est quant à elle revenue à 5,3 % en août, contre 5,5 % en juillet. Le renchérissement des biens s’est établi à 4,8 % en août, après 5,0 % en juillet et 5,5 % en juin, grâce à de meilleures conditions d’offre, aux diminutions passées des prix de l’énergie, à l’atténuation des tensions sur les prix en amont de la chaîne de production et à une demande plus faible. La hausse des prix des services s’est légèrement ralentie, à 5,5 %, mais est restée soutenue par les fortes dépenses consacrées aux vacances et aux voyages et par la vive progression des salaires. Le taux de croissance annuel de la rémunération par tête est demeuré constant, à 5,5 %, au deuxième trimestre de l’année. La contribution des coûts de main-d’œuvre à l’inflation intérieure annuelle s’est renforcée sur cette période, en partie en raison d’un recul de la productivité, alors que la contribution des bénéfices a diminué pour la première fois depuis début 2022.

La plupart des mesures de l’inflation sous-jacente commencent à diminuer sous l’effet du réalignement de l’offre et de la demande et de l’affaiblissement de la contribution des hausses passées des prix de l’énergie. Dans le même temps, les tensions internes sur les prix demeurent élevées.

La plupart des mesures des anticipations d’inflation à long terme s’établissent actuellement autour de 2 %. Mais certains indicateurs ont augmenté et doivent être suivis de près.

L’inflation totale dans la zone euro devrait continuer de se ralentir sur l’horizon de projection en raison de l’atténuation des tensions sur les coûts et des goulets d’étranglement au niveau de l’offre ainsi que de l’incidence du resserrement de la politique monétaire. La hausse de l’IPCH hors produits alimentaires et énergie devrait également se ralentir progressivement. Elle devrait toutefois être supérieure à l’inflation totale jusqu’à début 2024. La désinflation projetée est due à la dissipation des effets exercés par les chocs antérieurs sur les prix de l’énergie et par d’autres tensions en amont sur les prix, la forte croissance des coûts de main-d’œuvre devenant progressivement le principal moteur de la hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires. L’accroissement des salaires devrait graduellement se ralentir à compter de mi-2023, tout en demeurant soutenu sur l’horizon de projection, sous l’effet des augmentations des salaires minimums et de la compensation de l’inflation, dans un contexte de marché du travail tendu, bien qu’en phase d’accalmie. Les marges bénéficiaires, qui se sont sensiblement accrues l’an passé, devraient permettre d’amortir à moyen terme la répercussion des coûts de main-d’œuvre sur les prix finaux. En outre, le resserrement de la politique monétaire freinerait de plus en plus l’inflation sous-jacente. Dans l’ensemble, les anticipations d’inflation à moyen terme devant rester ancrées au niveau de la cible d’inflation de la BCE, la hausse de l’IPCH total reviendrait d’une moyenne de 8,4 % en 2022 à 5,6 % en 2023, 3,2 % en 2024 et 2,1 % en 2025, atteignant ainsi l’objectif au troisième trimestre 2025. Par rapport aux projections de juin 2023, la progression de l’IPCH a été révisée à la hausse pour 2023 et 2024, du fait de la hausse des prix des contrats à terme sur l’énergie, et à la baisse pour 2025, les effets de l’appréciation de l’euro, du durcissement des conditions de financement et de l’affaiblissement de la conjoncture devant modérer l’inflation mesurée par l’IPCH hors énergie et produits alimentaires.

Évaluation des risques

Les risques pesant sur la croissance économique sont orientés à la baisse. La croissance pourrait pâtir d’effets de la politique monétaire plus restrictifs qu’anticipé ou d’un affaiblissement de l’économie mondiale, dû par exemple à un ralentissement plus marqué de l’activité en Chine. En revanche, la croissance pourrait être plus soutenue que projeté si la solidité du marché du travail, la hausse des salaires réels et le recul des incertitudes stimulent la confiance et, partant, les dépenses des particuliers et des entreprises.

Les risques à la hausse pesant sur l’inflation comprennent d’éventuelles nouvelles tensions en ce sens sur les coûts de l’énergie et des produits alimentaires. De mauvaises conditions météorologiques, et l’évolution de la crise climatique plus généralement, pourraient entraîner des augmentations des prix des produits alimentaires supérieures aux anticipations. Une augmentation durable des anticipations d’inflation au-delà de l’objectif du Conseil des gouverneurs, ou des hausses de salaire ou des marges bénéficiaires plus importantes qu’anticipé pourraient aussi alimenter une accélération de l’inflation, y compris à moyen terme. À l’opposé, une contraction de la demande, sous l’effet par exemple d’une transmission plus forte de la politique monétaire ou d’une dégradation de l’environnement économique hors zone euro, atténuerait les tensions sur les prix, à moyen terme en particulier.

Conditions financières et monétaires

Le resserrement de la politique monétaire reste fortement transmis aux conditions de financement globales. Le financement des banques s’est de nouveau renchéri, dans la mesure où les épargnants substituent aux dépôts à vue des dépôts à terme plus rémunérateurs et où les opérations ciblées de refinancement à plus long terme de la BCE prennent fin progressivement. Les taux moyens des prêts aux entreprises et des prêts hypothécaires ont continué de croître en juillet, à respectivement 4,9 % et 3,8 %.

La dynamique du crédit s’est encore ralentie. Les prêts aux entreprises ont progressé à un rythme annuel de 2,2 % en juillet, en baisse par rapport aux 3,0 % enregistrés en juin. Les prêts aux ménages ont aussi augmenté moins fortement, de 1,3 % après 1,7 % en juin. En termes annualisés sur la base des données des trois derniers mois, les prêts aux ménages se sont réduits de 0,8 %, soit la plus forte contraction depuis l’introduction de l’euro. En lien avec cette faible activité de prêt et la réduction de la taille du bilan de l’Eurosystème, le taux de croissance annuel de M3 a diminué, de 0,6 % en juin au niveau le plus bas jamais enregistré de – 0,4 % en juillet. En termes annualisés sur les trois derniers mois, l’agrégat M3 s’est contracté de 1,5 %.

Décisions de politique monétaire

Lors de sa réunion du 14 septembre 2023, le Conseil des gouverneurs a décidé d’augmenter les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. Dès lors, les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt ont été relevés à respectivement 4,50 %, 4,75 % et 4,00 % à compter du 20 septembre 2023.

Le portefeuille du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) se contracte à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.

S’agissant du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), le Conseil des gouverneurs entend réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme au moins jusqu’à la fin de 2024. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire.

Le Conseil des gouverneurs continuera de faire preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance détenus dans le portefeuille du PEPP, afin de contrer les risques liés à la pandémie qui pèsent sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

À mesure du remboursement par les banques des montants empruntés dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme ciblées, le Conseil des gouverneurs évaluera régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées et de leurs remboursements en cours à son orientation de politique monétaire.

Conclusion

L’inflation continue de se ralentir, mais devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Afin de soutenir les progrès vers sa cible, le Conseil des gouverneurs a décidé, lors de sa réunion du 14 septembre 2023, d’augmenter les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de la cible. Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive.

En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer le retour de l’inflation au niveau de sa cible à moyen terme et pour préserver une bonne transmission de la politique monétaire.

1 La date d’arrêté des statistiques figurant dans cette publication est le 13 septembre 2023. Selon la publication finale d’Eurostat le 19 septembre 2023, la hausse de l’IPCH est revenue à 5,2 % en août après 5,3 % en juillet ; ce résultat a été inférieur de 0,1 point de pourcentage à l’estimation rapide.

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Mise à jour le 25 Juillet 2024