Bulletin économique de la BCE

Bulletin économique de la BCE n°4/2024

Mise en ligne le 20 Juin 2024

Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l’article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.

Évolutions économiques, financières et monétaires

Vue d’ensemble

Lors de sa réunion du 6 juin 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. Sur la base d’une évaluation actualisée des perspectives d’inflation, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire, il est opportun de réduire le caractère restrictif de la politique monétaire, après avoir maintenu les taux directeurs au même niveau pendant neuf mois. Depuis la réunion du Conseil des gouverneurs de septembre 2023, l’inflation s’est ralentie de plus de 2,5 points de pourcentage et les perspectives d’inflation se sont nettement améliorées. L’inflation sous-jacente s’est également modérée, renforçant les signaux d’atténuation des tensions sur les prix, et les anticipations d’inflation ont diminué sur tous les horizons. La politique monétaire a maintenu des conditions de financement restrictives qui, en freinant la demande et en veillant à ce que les anticipations d’inflation restent solidement ancrées, ont fortement contribué au ralentissement de l’inflation.

Dans le même temps, malgré l’amélioration observée ces derniers trimestres, les tensions sur les prix d’origine interne restent fortes, en raison de la croissance élevée des salaires, et l’inflation devrait rester supérieure à la cible pendant une grande partie de l’année prochaine. Les dernières projections établies par les services de l’Eurosystème pour l’inflation globale et l’inflation sous-jacente en 2024 et 2025 ont été revues à la hausse par rapport aux projections de mars. Elles prévoient désormais que l’inflation globale s’établira en moyenne à 2,5 % en 2024, 2,2 % en 2025 et 1,9 % en 2026. S’agissant de l’évolution des prix hors énergie et produits alimentaires, les services de l’Eurosystème tablent sur une hausse moyenne de 2,8 % en 2024, 2,2 % en 2025 et 2,0 % en 2026. La croissance économique devrait se redresser et s’établir à 0,9 % en 2024, 1,4 % en 2025 et 1,6 % en 2026.

Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Il conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif aussi longtemps que nécessaire pour atteindre cet objectif. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données, réunion par réunion, pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, ses décisions relatives aux taux directeurs resteront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière.

Le Conseil des gouverneurs a également confirmé qu’il réduira le portefeuille de titres détenus par l’Eurosystème dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP) de 7,5 milliards d’euros par mois, en moyenne, au second semestre de l’année. Les modalités de réduction de ce portefeuille seront globalement conformes à celles qui sont appliquées pour le programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP).

Activité économique

Après cinq trimestres de stagnation, l’économie de la zone euro a crû de 0,3 % au cours du premier trimestre 2024. Le secteur des services est en expansion, et l’activité dans le secteur manufacturier semble se stabiliser à des niveaux bas.

L’emploi a augmenté de 0,3 % au premier trimestre, avec quelque 500 000 nouveaux emplois créés, et les enquêtes indiquent une poursuite de cette croissance à court terme. Le taux de chômage a légèrement diminué en avril, à 6,4 %, soit son niveau le plus bas depuis la création de l’euro. Les entreprises continuent de publier de nombreux postes vacants, mais un peu moins que précédemment.

Début 2024, l’économie de la zone euro, soutenue par les exportations nettes et une hausse des dépenses des ménages, s’est redressée plus fortement que prévu dans les projections de mars 2024 établies par les services de la BCE. Les informations disponibles vont dans le sens d’une poursuite de la croissance à court terme, à un rythme plus vif qu’escompté précédemment. Le revenu réel disponible devrait continuer d’augmenter, dans un contexte de croissance soutenue des salaires, de renforcement progressif de la confiance et d’amélioration des termes de l’échange, donnant lieu en 2024 à une reprise tirée par la consommation. L’impulsion donnée par les exportations nettes en début d’année reflète en partie la volatilité qui a fait suite au recul temporaire enregistré fin 2023. Quoi qu’il en soit, la demande extérieure devrait encore progresser et soutenir la croissance des exportations de la zone euro. À moyen terme, l’incidence négative du resserrement récent de la politique monétaire devrait graduellement s’estomper, l’activité étant favorisée par l’assouplissement attendu des conditions de financement conformément aux anticipations des marchés en ce qui concerne l’évolution future des taux d’intérêt. La croissance bénéficiera également de la vigueur des marchés du travail, le taux de chômage revenant plus tard sur l’horizon de projection à des niveaux bas de très long terme. Du fait de la dissipation de certains facteurs conjoncturels ayant pesé sur les gains de productivité au cours de la période récente, la productivité devrait s’accélérer sur l’horizon de projection. Dans l’ensemble, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume s’établirait à 0,9 % en 2024, avant de s’accélérer par la suite, à 1,4 % en 2025 et 1,6 % en 2026. Par rapport aux projections de mars 2024, les perspectives de croissance du PIB ont été révisées à la hausse pour 2024, sous l’effet de la surprise positive du début de l’année et de l’amélioration des informations les plus récentes. Les perspectives de croissance du PIB ont été légèrement revues à la baisse pour 2025 et demeurent inchangées pour 2026.

Les politiques budgétaires et structurelles nationales devraient viser à améliorer la productivité et la compétitivité de l’économie, ce qui rehausserait la croissance potentielle et favoriserait un allégement des tensions sur les prix à moyen terme. Une mise en application rapide, effective et intégrale du programme Next Generation EU, la réalisation de progrès vers une union des marchés de capitaux et l’achèvement de l’union bancaire ainsi qu’un renforcement du marché unique soutiendraient l’innovation et permettraient d’accroître les investissements dans les transitions verte et numérique. La mise en œuvre intégrale et sans délai du cadre de gouvernance économique révisé de l’Union européenne aidera les pouvoirs publics à réduire durablement les déficits budgétaires et les taux d’endettement.

Inflation

L’inflation en rythme annuel s’est accélérée à 2,6 % en mai, contre 2,4 % en avril, selon l’estimation rapide d’Eurostat. La hausse des prix des produits alimentaires est revenue à 2,6 %. Après avoir baissé en rythme annuel pendant un an, les prix de l’énergie ont quant à eux augmenté de 0,3 %. La progression des prix des biens s’est une nouvelle fois ralentie, à 0,8 %, en mai. En revanche, la hausse des prix des services s’est nettement renforcée, à 4,1 % contre 3,7 % en avril.

La plupart des mesures de l’inflation sous-jacente ont de nouveau diminué en avril (dernier mois pour lequel des données sont disponibles), confirmant le scénario d’une réduction progressive des tensions sur les prix. L’inflation intérieure demeure toutefois élevée. Les salaires continuent d’augmenter à un rythme soutenu, compensant la poussée inflationniste récente. En raison du caractère progressif du processus d’ajustement des salaires et du rôle important joué par les paiements exceptionnels, les coûts de main-d’œuvre devraient fluctuer à court terme, comme en témoigne le rebond des salaires négociés au premier trimestre. Dans le même temps, les indicateurs prospectifs signalent une modération de la hausse des salaires au cours de l’année. Les bénéfices absorbent une partie de l’augmentation prononcée des coûts unitaires de main-d’œuvre, ce qui en réduit les effets inflationnistes. Les mesures des anticipations d’inflation à long terme restent globalement stables, s’établissant pour la plupart autour de 2 %.

L’inflation totale devrait continuer de se modérer pour revenir à des niveaux proches de la cible courant 2025. Cette évolution reflète une atténuation des tensions sur les coûts, notamment de main-d’œuvre, et les répercussions différées et graduelles du récent resserrement de la politique monétaire sur les prix à la consommation. L’inflation totale mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) devrait être relativement volatile pendant le reste de l’année 2024, en raison d’effets de base et du renchérissement des matières premières énergétiques. À moyen terme, la hausse des prix de l’énergie devrait s’établir à des taux faiblement positifs, compte tenu des anticipations des marchés concernant l’évolution future des cours du pétrole et du gaz et des mesures budgétaires prévues en lien avec le changement climatique. Au cours des derniers trimestres, le renchérissement des produits alimentaires s’est nettement ralenti, les tensions en amont s’étant atténuées grâce à la baisse des prix de l’énergie et des matières premières alimentaires. À plus long terme, la hausse des prix des produits alimentaires devrait fluctuer autour de ses niveaux actuels avant de se modérer davantage à partir de fin 2025. L’IPCH hors énergie et produits alimentaires (IPCHX) devrait rester supérieur à l’inflation totale sur la majeure partie de l’horizon de projection, mais poursuivre sa une trajectoire désinflationniste, bien qu’à un rythme lent et principalement en 2025 et 2026. Un point central des projections de juin est le ralentissement progressif attendu de l’augmentation des salaires nominaux par rapport à des niveaux toujours élevés initialement, à mesure que s’estomperont les effets haussiers exercés par la compensation de l’inflation dans un contexte de marché du travail tendu. Le redressement escompté de la croissance de la productivité devrait favoriser la modération des tensions sur les coûts de main-d’œuvre. De plus, la croissance des bénéfices devrait se ralentir et amortir en partie la répercussion des coûts de main-d’œuvre sur les prix, en particulier en 2024. Dans l’ensemble, la hausse annuelle moyenne de l’IPCH total devrait se modérer, revenant de 5,4 % en 2023 à 2,5 % en 2024, 2,2 % en 2025 et 1,9 % en 2026. Par comparaison avec les projections de mars 2024, l’augmentation de l’IPCH a été révisée à la hausse de 0,2 point de pourcentage pour 2024 et 2025. Cela tient principalement au renchérissement des matières premières énergétiques et à des données récentes légèrement plus élevées que prévu en ce qui concerne l’inflation mesurée par l’IPCHX. En outre, les tensions sur les coûts de main-d’œuvre devraient légèrement s’intensifier en raison d’une croissance plus forte des salaires, s’accompagnant de perspectives un peu plus prudentes concernant la hausse de la productivité. S’agissant tant de l’inflation totale que de l’inflation mesurée par l’IPCHX, les perspectives pour 2026 sont inchangées.

Évaluation des risques

Les risques pesant sur la croissance économique sont équilibrés à court terme, mais restent orientés à la baisse à moyen terme. Un ralentissement de l’économie mondiale ou une aggravation des tensions commerciales entre les principales économies freinerait la croissance de la zone euro. La guerre injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine et le conflit tragique au Moyen-Orient constituent des sources majeures de risques géopolitiques. Dans ce contexte, une baisse de confiance des entreprises et des ménages dans l’avenir et des perturbations du commerce international sont possibles. La croissance pourrait aussi être plus faible si les effets de la politique monétaire s’avèrent plus marqués qu’anticipé. Elle pourrait être plus élevée si l’inflation baisse plus rapidement que prévu et si le renforcement de la confiance et la hausse des revenus réels se traduisent par une augmentation des dépenses plus importante qu’attendu, ou si l’économie mondiale croît plus fortement que prévu.

L’inflation pourrait être plus élevée qu’anticipé si les salaires ou les bénéfices augmentent plus qu’attendu. Les risques à la hausse pour l’inflation proviennent également des tensions géopolitiques accrues, qui pourraient entraîner un renchérissement de l’énergie et un accroissement des coûts du fret à court terme, et perturber les échanges mondiaux. En outre, des événements météorologiques extrêmes et, plus généralement, l’évolution de la crise climatique pourraient conduire à une hausse des prix des produits alimentaires. En revanche, l’inflation pourrait surprendre à la baisse si la politique monétaire freine davantage la demande qu’anticipé ou si l’environnement économique dans le reste du monde se détériore de manière inattendue.

Conditions financières et monétaires

Les taux d’intérêt de marché ont augmenté depuis la réunion du Conseil des gouverneurs du 11 avril 2024. Les coûts de financement se sont stabilisés à des niveaux restrictifs du fait de la transmission au système financier des hausses passées des taux d’intérêt directeurs. Les taux d’intérêt moyens des nouveaux crédits aux entreprises et des nouveaux prêts hypothécaires sont restés inchangés en avril, à 5,2 % et 3,8 % respectivement.

La dynamique du crédit reste faible. Les prêts bancaires aux entreprises ont progressé à un rythme annuel de 0,3 % en avril, légèrement plus bas qu’au mois précédent. La progression des prêts aux ménages s’est quant à elle maintenue à 0,2 % en rythme annuel. La croissance annuelle de la monnaie au sens large, mesurée par l’agrégat monétaire M3, est passée de 0,9 % en mars à 1,3 % en avril.

Conformément à sa stratégie de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs a procédé à une évaluation approfondie des liens entre politique monétaire et stabilité financière. Les banques de la zone euro restent robustes. L’amélioration de l’environnement économique a favorisé la stabilité financière, mais les importants risques géopolitiques assombrissent les perspectives. Un resserrement inattendu des conditions de financement mondiales pourrait provoquer une revalorisation des actifs financiers et non financiers, ce qui aurait des effets négatifs sur l’économie dans son ensemble. La politique macroprudentielle reste la première ligne de défense contre l’accumulation de vulnérabilités financières. Les mesures en place, ou qui entreront bientôt en vigueur, visent à maintenir la capacité de résistance du système financier.

Décisions de politique monétaire

Les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt ont été abaissés à respectivement 4,25 %, 4,50 % et 3,75 % à compter du 12 juin 2024.

Le portefeuille du programme d’achats d’actifs (APP) se contracte à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.

Le Conseil des gouverneurs continuera de réinvestir, en totalité, les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP jusqu’à fin juin 2024. Il réduira le portefeuille du PEPP de 7,5 milliards d’euros par mois en moyenne au second semestre de l’année. Le Conseil des gouverneurs entend mettre un terme aux réinvestissements dans le cadre du PEPP fin 2024.

Le Conseil des gouverneurs continuera de faire preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance détenus dans le portefeuille du PEPP, afin de contrer les risques liés à la pandémie qui pèsent sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

À mesure du remboursement par les banques des montants empruntés dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme ciblées, le Conseil des gouverneurs évaluera régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées et de ces remboursements à son orientation de politique monétaire.

Conclusion

Le Conseil des gouverneurs a décidé, lors de sa réunion du 6 juin 2024, d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Il conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif aussi longtemps que nécessaire pour atteindre cet objectif. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données, réunion par réunion, pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, les décisions relatives aux taux d’intérêt seront basées sur l’évaluation par le Conseil des gouverneurs des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière.

En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer le retour de l’inflation au niveau de sa cible à moyen terme et pour préserver une bonne transmission de la politique monétaire.

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Mise à jour le 25 Juillet 2024