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Paris-Normandie : « L’effort de défense rend la maîtrise des dépenses publiques encore plus nécessaire »
Intervenant

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France
Mise en ligne le 24 Mars 2025

Entretien du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, à « Paris-Normandie » du 24 mars 2025.
La Banque de France accuse une perte de 7,7 milliards d’euros en 2024. Comment l’expliquez-vous ? Faut-il s’en inquiéter ?
François Villeroy de Galhau : « C’était prévu et cela n’est pas inquiétant. Cela s’explique par le fait que nous avons accompli notre mission : nous avons conduit une politique monétaire avec fixation des taux d’intérêt de façon à atteindre notre objectif de 2% d’inflation. L’inflation avait dépassé les 7% il y a deux ans. Elle est aujourd’hui revenue en France sous les 1% ! Monter ces taux d’intérêt a généré dans toutes les grandes banques centrales (Bundesbank, Federal Reserve américaine, banque d’Angleterre) des pertes temporaires. Ces pertes vont très sensiblement diminuer dès cette année et notre situation financière est suffisamment solide pour les absorber dans le bilan de la Banque de France. Il n’y aura pas à faire appel au contribuable et à une recapitalisation, et cela ne pèse pas sur le déficit public. »
Le gouvernement et le chef de l’Etat avancent un nécessaire effort de financement de la défense nationale dans le contexte du désengagement américain. Ce qui va creuser encore la dette publique de la France. Quelle est votre analyse ?
« Avant de parler de défense, je veux dire qu’il faut que la France redresse ses finances publiques. C’est-à-dire dans un premier temps stabiliser enfin la dette. Pour ce faire, il faut ramener le déficit public à 3% au maximum en 2029, avec une première étape indispensable qui est de le réduire à 5,4% en 2025. La meilleure façon d’y arriver, c’est d’arrêter la croissance des dépenses publiques en France. Aujourd’hui, non seulement nous avons les dépenses publiques les plus élevées d’Europe et même du monde, mais elles continuent à croître en volume, c’est-à-dire après inflation. Il ne s’agit donc pas de brutalement pratiquer une austérité mais de stabiliser le niveau global des dépenses publiques. C’est possible, mais si et seulement si l’effort est juste et partagé : il ne peut pas porter seulement sur le budget de l’Etat (un gros tiers de la dépense publique). Il faut aussi maitriser les dépenses locales et sociales qui font plus de 60% du total et augment trop vite. L’effort de défense rend bien sûr tout cela encore plus nécessaire. Cet effort est légitime car face à la menace, nous devons défendre notre liberté et nos valeurs. Ceci dit, ce n’est pas à la Banque de France de décider de l’ampleur de cet effort. Des avancées significatives ont déjà été faites avec la loi de programmation militaire et cela relève du débat démocratique. »
Qui va payer finalement ?
« La question relativement facile, c’est qui va financer les industriels de la défense. Des mesures ont été annoncées sur les fonds propres et c’est très bien. La question plus difficile, c’est celle que vous posez : qui va payer à la fin ? C’est forcément l’Etat car acheter du matériel militaire, c’est de la dépense publique. Mais il ne peut pas être question d’un nouveau « quoi qu’il en coûte ». Raison de plus pour qu’on soit extrêmement sérieux sur les autres dépenses. Nous ne pouvons plus continuer à tout nous payer comme avant. La France va devoir faire des choix dans ses dépenses. »
Un mot sur la réforme des retraites : faut-il travailler plus pour plus de solidarité entre les générations ?
« Si nous voulons accroître notre prospérité, et financer nos dépenses sans augmenter encore notre dette, globalement, cela dépend de notre travail. C’est plutôt une bonne nouvelle car c’est entre nos mains. Collectivement, il faut que nous travaillions plus et mieux. Quand on compare la France à l’Allemagne, nos jeunes sont beaucoup moins nombreux dans l’emploi et il y a aussi beaucoup moins de seniors au travail. Cet aspect du problème ne peut pas être ignoré dans la réforme des retraites. »
Quelles sont les armes de la France et de l’Europe dans la guerre commerciale que vient de leur déclarer le président américain Donald Trump ?
« Ces mesures sont extrêmement négatives pour tout le monde à commencer par les Etats-Unis. Le président Trump marque un but contre son camp. Ses décisions sont à la fois beaucoup plus dures et beaucoup plus imprévisibles que ce qui était attendu. Les entrepreneurs, les consommateurs, le monde économique n’aiment pas du tout l’imprévisibilité. Mes homologues de la banque centrale américaine se sont réunis le 19 mars ; ils ont pour les Etats-Unis abaissé leurs prévisions de croissance et remonté celles d’inflation : voici le premier bilan du protectionnisme américain. »
Vous serez au Havre ce lundi 24 mars pour rencontrer les agents de la Banque de France. L’implantation de la BDF en région est-elle toujours stratégique ?
« Notre présence en région est essentielle. La Banque de France a 105 succursales dont deux en Seine-Maritime, à Rouen et au Havre. Je vais rencontrer au Havre nos agents et des chefs d’entreprise. Pour nous, la Normandie est une région très importante : 180 hommes et femmes et 96 en Seine-Maritime. Nous sommes durablement attachés à cette présence sur le terrain car nos concitoyens nous y attendent avec ce que nous faisons sur le surendettement, l’éducation financière. Je vais aussi écouter attentivement les chefs d’entreprise pour partager leur vision de la situation économique dans ce moment très incertain. »
Allez-vous rencontrer le maire du Havre ?
« La Banque de France est au service de tous les Français et de leurs élus. Lors de mes déplacements sur le terrain, je rencontre aussi souvent que possible les principaux élus, et je vais rencontrer le maire du Havre. »
Livret A et épargne populaire :
« L’inflation a beaucoup baissé en France. Elle est à 0,9 et le livret A est à 2,5%. C’est donc bien une rémunération positive de l’épargne et tant mieux. Le livret A sert à financer le logement social, les PME donc quand on peut baisser les taux, c’est plus favorable pour l’économie et ce que nous avons fait. Je souligne que le livret d’épargne populaire est lui encore mieux rémunéré à 3,5%. Il bénéficie déjà à 12 millions de Français mais il y a encore 7 millions de nos compatriotes qui pourraient y avoir droit. C’est le meilleur produit aujourd’hui de défense de l’épargne populaire et je les invite à contacter leur banque pour ouvrir un LEP ».
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Mise à jour le 26 Mars 2025