Bulletin économique de la BCE

Bulletin économique de la BCE n°1/2024

Mise en ligne le 8 Février 2024

Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l’article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.

Évolutions économiques, financières et monétaires récentes

Synthèse

Lors de sa réunion du 25 janvier 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser inchangés les trois taux directeurs de la BCE. Les informations disponibles ont globalement confirmé sa précédente évaluation des perspectives d’inflation à moyen terme. Outre un effet de base haussier lié à l’énergie sur l’inflation totale, la tendance baissière de l’inflation sous-jacente s’est poursuivie, et la transmission des hausses passées des taux d’intérêt aux conditions de financement reste vigoureuse. Les conditions de financement strictes freinent la demande, contribuant ainsi au ralentissement de l’inflation.

Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE se situent à des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement à atteindre cet objectif. Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que ses taux directeurs soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire.

Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d’intérêt seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire.

Activité économique

L’économie de la zone euro devrait avoir stagné au dernier trimestre 2023. Les données disponibles continuent d’indiquer une morosité à court terme. Toutefois, certains indicateurs prospectifs tirés d’enquêtes signalent une reprise de la croissance un peu plus tard dans l’année.

Le marché du travail est demeuré robuste. Le taux de chômage, qui s’est établi à 6,4 % en novembre, est revenu à son plus bas niveau depuis l’introduction de l’euro et la population active compte davantage de travailleurs. Dans le même temps, la demande de main-d’œuvre se ralentit, comme en atteste la baisse des publications d’emplois vacants.

Les pouvoirs publics devraient continuer de retirer les mesures de soutien liées à l’énergie afin de ne pas accentuer les tensions inflationnistes à moyen terme. Les politiques budgétaires et structurelles doivent être définies de manière à améliorer la productivité et la compétitivité de l’économie de la zone euro et à réduire progressivement les ratios élevés de dette publique. Des réformes structurelles et des investissements visant à renforcer la capacité d’offre de la zone euro – que soutiendrait la mise en œuvre intégrale du programme « Next Generation EU » – peuvent contribuer à atténuer les pressions sur les prix à moyen terme, tout en encourageant les transitions écologique et numérique. À la suite du récent accord au sein du Conseil Ecofin sur la réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE, le processus législatif devrait être conclu rapidement afin que les nouvelles règles puissent être mises en œuvre sans délai. En outre, il est impératif d’accélérer les progrès vers l’union des marchés des capitaux et en vue de l’achèvement de l’union bancaire.

Inflation

L’inflation s’est inscrite en hausse, à 2,9 %, en décembre 2023, certaines mesures budgétaires prises par le passé pour limiter les effets des prix élevés de l’énergie étant sorties du calcul du taux d’inflation annuel ; le rebond de l’inflation a toutefois été moins important que prévu. Outre cet effet de base, la tendance générale de ralentissement de l’inflation s’est poursuivie. La hausse des prix des produits alimentaires est revenue à 6,1 % en décembre. De même, l’inflation hors énergie et produits alimentaires s’est de nouveau ralentie, à 3,4 %, sous l’effet du recul, à 2,5 %, de la composante biens. La hausse des prix des services est restée stable, à 4,0 %.

Le ralentissement de l’inflation devrait se poursuivre au cours de l’année 2024 à mesure de l’affaiblissement des effets des chocs énergétiques passés, des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et de la réouverture de l’économie après la pandémie ainsi que de l’incidence persistante du resserrement de la politique monétaire sur la demande.

Pratiquement toutes les mesures de l’inflation sous-jacente ont de nouveau reculé en décembre. Le taux élevé de la hausse des salaires et la baisse de la productivité du travail alimentent des pressions sur les prix intérieurs élevées, même si celles-ci ont également commencé à se modérer. Dans le même temps, la diminution des bénéfices unitaires a commencé à atténuer l’incidence inflationniste de l’augmentation des coûts unitaires de main-d’œuvre. Les mesures des anticipations d’inflation à court terme se sont nettement réduites, alors que les anticipations à long terme se situent essentiellement autour de 2 %.

Évaluation des risques

Les risques pesant sur la croissance économique restent orientés à la baisse. La croissance pourrait être plus faible si les effets de la politique monétaire s’avèrent plus marqués qu’anticipé. Un affaiblissement de l’économie mondiale ou un nouveau ralentissement du commerce international pourraient également peser sur la croissance de la zone euro. La guerre injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine et le conflit tragique au Moyen-Orient constituent des sources importantes de risques géopolitiques. Ceci peut conduire à une baisse de confiance des entreprises et des ménages dans l’avenir et à des perturbations du commerce international. La croissance pourrait se redresser si la hausse des revenus réels se traduit par une augmentation des dépenses plus importante qu’anticipé, ou si l’économie mondiale croît plus fortement que prévu.

Les risques à la hausse pesant sur l’inflation incluent les tensions géopolitiques accrues, en particulier au Moyen-Orient, qui pourraient entraîner un renchérissement de l’énergie et un accroissement des coûts du fret à court terme et freiner les échanges internationaux. L’inflation pourrait aussi être plus élevée qu’anticipé si les salaires augmentent plus qu’attendu ou si les marges bénéficiaires résistent mieux. En revanche, elle pourrait surprendre à la baisse si la politique monétaire freine davantage la demande qu’anticipé ou si l’environnement économique dans le reste du monde se détériore de manière inattendue. L’inflation pourrait aussi se ralentir plus rapidement à court terme si les prix de l’énergie évoluent conformément à la trajectoire baissière récente des anticipations de marché relatives aux prix futurs du pétrole et du gaz.

Conditions financières et monétaires

Les taux d’intérêt de marché ont globalement peu évolué depuis la réunion de politique monétaire du conseil des Gouverneurs du 14 décembre 2023. La politique monétaire restrictive du Conseil des gouverneurs continue de se transmettre fortement aux conditions de financement au sens large. Les taux des prêts bancaires aux entreprises ont légèrement reculé en novembre, à 5,2 %, tandis que les taux des prêts hypothécaires ont encore augmenté, pour atteindre 4,0 %.

Les taux d’emprunt élevés, avec les réductions associées des projets d’investissement et des achats de logements, ont entraîné une nouvelle baisse de la demande de crédits au quatrième trimestre 2023, comme l’a montré l’enquête sur la distribution du crédit bancaire de janvier 2024. Malgré une atténuation du durcissement des critères d’octroi des prêts aux entreprises et aux ménages, ceux-ci restent stricts, reflétant l’inquiétude des banques quant aux risques auxquels leurs clients sont confrontés.

Dans ce contexte, la dynamique du crédit s’est légèrement améliorée, mais reste globalement faible. Après s’être contractés en octobre, les prêts aux entreprises ont stagné en novembre 2023 par rapport à l’année précédente, grâce à un rebond du flux mensuel de prêts à court terme. Les prêts aux ménages ont quant à eux crû à un rythme annuel modéré de 0,5 %.

Décisions de politique monétaire

Le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement ainsi que ceux de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt demeurent inchangés, à respectivement 4,50 %, 4,75 % et 4,00 %.

Le portefeuille du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) se contracte à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance. 

Au cours du premier semestre 2024, le Conseil des gouverneurs entend poursuivre le réinvestissement intégral des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP). Il prévoit de réduire le portefeuille du PEPP de 7,5 milliards d’euros par mois en moyenne au second semestre de l’année. Le Conseil des gouverneurs entend mettre un terme aux réinvestissements dans le cadre du PEPP fin 2024.

Le Conseil des gouverneurs continuera de faire preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance détenus dans le portefeuille du PEPP, afin de contrer les risques liés à la pandémie qui pèsent sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

À mesure du remboursement par les banques des montants empruntés dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme ciblées, le Conseil des gouverneurs évaluera régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées et de ces remboursements à son orientation de politique monétaire.

Conclusion

Lors de sa réunion du 25 janvier 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser inchangés les trois taux directeurs de la BCE. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE se situent à des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement à atteindre cet objectif. Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données pour déterminer le degré et la durée appropriés de cette orientation restrictive.

En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer le retour de l’inflation au niveau de sa cible à moyen terme et pour préserver une bonne transmission de la politique monétaire.

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