Remarque

How to keep SupTech future-proof

Intervenant

Denis Beau Intervention

Denis Beau, Premier sous-gouverneur de la Banque de France

20 Septembre 2023
Denis Beau Intervention

Supervision Innovators Conference

20 septembre 2023

Remarques initiales proposées par Denis Beau, Premier sous-gouverneur de la Banque de France.

La numérisation de la finance, l’apparition de nouveaux acteurs et de nouvelles technologies, ainsi que l’émergence de risques associés, en particulier les cyber-risques : toutes ces tendances incitent à développer d’urgence une approche augmentée de la supervision financière.

Comment relève-t-on ce défi à l’ACPR et la Banque de France ?

I. Tout d’abord en adoptant une démarche d’innovation volontariste et tournée vers les besoins métierce qui s’est traduit par le lancement d’un programme « SupTech » en 2019. Celui-ci vise à renforcer les capacités de supervision de l’ACPR en s’appuyant sur les nouvelles technologies de traitement de la donnée et de l’intelligence artificielle.

ATous les projets identifiés, développés et déployés depuis 2019 sont le fruit d'un processus structuré reposant sur un certain nombre d'incitations et de filtresJe voudrais en citer deux en particulier, qui jouent un rôle décisif.

Constituent ainsi une puissante incitation la forte impulsion donnée par le plus haut niveau de la hiérarchie, ainsi que son implication dans la sélection puis dans le suivi des phases d'investigation, de mise en œuvre et de déploiement des projets. Cette impulsion et cette implication aident à surmonter les inévitables - et compréhensibles - résistances générées par la transformation de processus opérationnels bien établis. Afin de pérenniser cette dynamique, le programme SupTech a été inscrit dans le plan stratégique 2019-2024 de la Banque de France, et figure en bonne place dans la liste des actions prioritaires suivies par le Comité de direction.

Parmi les filtres utilisés, l'un des plus importants est que les projets doivent contribuer à résoudre les problèmes opérationnels quotidiens auxquels sont confrontés les agents de l'ACPR dans l'exercice de leur mission. En d'autres termes, notre approche est axée sur la demande, plutôt que sur l'offreafin d'éviter la situation classique des solutions à la recherche d'un problème, qui finissent par rester sur l'étagère. Comme nous savons qu’il est malaisé d’imaginer une solution innovante sans savoir ce que la technologie permet ou non de faire, nous faisons désormais travailler ensemble les experts de la supervision et les services informatiques, au sein d’équipes orientées « projet » combinant créativité et savoir-faire.

Outre ces incitations et ces filtres, l'encadrement supérieur a un rôle à jouer pour promouvoir des approches plus efficaces et moins coûteusesen accordant une attention particulière aux résultats de chaque projet. Cela signifie notamment privilégier les méthodes agiles dans la conduite des projets, qui permettent de corriger au fil de l’eau les problèmes constatés, et donc de gagner en productivité. C’est aussi suivre le projet de bout en bout, jusqu’aux phases d’industrialisation. C’est enfin favoriser le « retour d’expérience » sur les difficultés rencontrées au cours d’un projet, afin de pouvoir progresser collectivement pour les projets suivants.

BCette démarche alimente et s’intègre dans une réflexion d’ensemble d’évolution des systèmes informatiquesmettant au cœur la question de la donnée et de son exploitation.

En effet, structurée ou non, la donnée constitue l’élément-clé des analyses et des contrôles de l’ACPR, et elle croît de façon exponentielle. Les projets SupTech ont tous pour ambition de faciliter la gestion, l'accès et la visualisation de ces données, afin de permettre des analyses et des contrôles mieux ciblés, et ce afin de soutenir notre supervision basée sur les risques et d’en améliorer l'efficacité et l'efficience.

Par ailleurs, la démarche SupTech ne peut se permettre de négliger les problèmes techniques liés à la gestion, l’évolution ou le décommissionnement des systèmes existantsL’insertion des nouveaux outils dans l’environnement existant ne peut s’improviser, et doit au contraire être pensée en cohérence avec l’évolution du système d’information dans son ensemble. En outre, le décommissionnement d’applications anciennes – qui peut être l’un des objectifs du déploiement de nouveaux outils – doit lui aussi s’intégrer dans la stratégie de mise en valeur des données : bien souvent, les anciennes applications contiennent un important patrimoine de données, dont la richesse ne doit pas être négligée.

II. Pour être efficace, cette démarche doit aussi être menée dans un esprit d’anticipation et d’ouverture.

A/ Il nous faut d’abord anticiper les bouleversements profonds de nos usages et de nos organisations que certaines nouvelles technologies sont susceptibles d’entraîner.

L’IA générative ouvre par exemple d’excitantes perspectives, notamment en termes de synthèse, d'extraction et de classification d'informations, ou de génération de texte ou de code informatique. Elle suscite dans le même temps un grand nombre de préoccupations, en termes de fiabilité, de confidentialité des données ou de propriété intellectuelle.

Pour anticiper les effets de ces nouvelles technologies, nous devons parcourir la courbe d’apprentissage aussi vite que possible, afin d’avoir la vue la plus complète possible de leurs apports potentiels, mais aussi de leurs risques. La démarche d’expérimentation peut en particulier favoriser cet apprentissage accéléré.

C’est ainsi qu’en mai 2023, la Banque de France, par l’intermédiaire de la plateforme d’innovation opérée par son Lab, a lancé un appel à contribution sur les usages et les impacts de l’IA générative sur ses activités. Adressé à l’écosystème innovant, il vise, d’une part, à affiner notre compréhension de cette technologie et, d’autre part, à en accélérer l’usage potentiel, à travers la proposition de cas d’usage concrets, voire de solutions opérationnelles.

L’anticipation doit aussi porter sur les ressources humaines nécessaires pour s’adapter aux nouveaux modes de supervision. Il s’agit en particulier de diversifier l’expérience et les profils des superviseurs, en favorisant le recrutement et le développement de compétences spécialisées, notamment en data science et en intelligence artificielle.

B/ Nous devons également faire preuve d’ouverture car, dans un domaine où les solutions restent à inventer, la coopération et la co-construction peuvent procurer de nombreux bénéfices communs.

Nous l’avons vu, les coopérations avec l’écosystème innovant peuvent se révéler des plus fertiles ; de même, nous avons tout intérêt à entretenir des liens soutenus avec les milieux académiques. Mais je souhaiterais ici insister tout particulièrement sur l’intérêt d’instaurer des coopérations renforcées avec les autres autorités (protocoles d’accord, comités de surveillance multi-autorités, etc.), afin de développer des analyses partagées sur des thèmes d’intérêt commun (les bénéfices et les risques d’une nouvelle technologie, par exemple) ou encore en vue d’élaborer conjointement des outils utiles à la supervision du secteur financier.

Le mécanisme de supervision unique (MSU), lieu de coopération par excellence entre autorités de supervision nationales et européennes, est le champ idéal pour organiser de tels mécanismes coopératifs. À cet égard, l’ACPR et la Banque de France sont pleinement engagées pour fournir à l’ensemble des partenaires européens un « SupTech Centre » qui offrira, par exemple, une interface d’analyse avancée pour les contrôleurs, susceptible d’intégrer des modules d’analyse développés par d’autres autorités ou acteurs du MSU.