Les financements nécessaires pour assurer la transition vers une économie bas carbone sont estimés à plusieurs centaines de milliards d’euros par an dans le monde d’après l’Agence internationale de l’énergie, et un besoin supplémentaire d’investissements compris dans une fourchette de 45 à 75 milliards d’euros par an pour la France selon l’institut I4CE. Cela nécessite une mobilisation forte des acteurs privés, en particulier des banques et des assurances, compte tenu de leur rôle-clé dans le financement de l’économie française.
Ces deux secteurs sont eux-mêmes directement exposés à certains risques associés au changement climatique. Plusieurs publications récentes de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) analysent la façon dont les banques et les assureurs intègrent et gèrent le risque climatique et, pour ce dernier secteur, le degré de mise en œuvre des dispositions de la loi sur la transition énergétique.
On peut tirer quatre enseignements principaux de ces travaux.
1. Des progrès notables en termes de gouvernance des risques associés au changement climatique. Au-delà des annonces relatives aux politiques de désinvestissement dans certains secteurs particulièrement émetteurs de gaz à effets de serre comme le charbon, les établissements bancaires et les organismes d’assurance ont généralement adopté des orientations stratégiques se référant à l’Accord de Paris sur le climat. Certains opèrent une remontée régulière d’informations sur leurs expositions au risque climatique au plus haut niveau de leurs instances de décision. Dans ce cas, on note que le risque de changement climatique est également intégré dans le cadre des procédures de gestion usuelle des risques financiers. Les progrès constatés sont cependant hétérogènes au sein des deux secteurs et ne se déclinent généralement pas au niveau opérationnel des lignes de métiers.
2. Peu de progrès dans la prise en compte du risque physique, qui mesure l’impact direct du changement climatique sur les personnes et les biens (sécheresse, inondations, épisodes climatiques extrêmes...), auquel, il est vrai, les banques et les assurances françaises sont relativement peu exposées. En comparant la carte des expositions présentée ci-dessus à celles tirées des rapports du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ou de travaux académiques (comme par exemple Burke, Hsiang, & Miguel, 2015), on constate que les expositions des banques et des assureurs français sont généralement situées dans des zones jugées peu vulnérables au regard des scénarios de changement climatique actuellement disponibles, et majoritairement en France, où il existe un dispositif efficace de prise en compte des catastrophes naturelles.
Dans ce domaine, on relève que les organismes assurances, au-delà des risques figurant à l’actif de leurs bilans, ont développé, pour les besoins de leur métier, des mesures très fines de localisation des personnes et des biens assurés. Dans ce secteur, les risques associés à l’augmentation de la fréquence et du coût des évènements climatiques extrêmes ont des conséquences directes sur la tarification des polices d’assurance, ce qui pourrait, à terme, poser la question de l’assurabilité de certains risques, avec des implications éventuelles pour les politiques publiques et les coûts de financement (hausse des primes de risque, dévalorisation des biens mis en garantie).
3. Une prise en compte croissante du risque de transition, qui mesure l’impact financier d’une modification du comportement des agents économiques et financiers en réponse à la mise en place de politiques énergétiques ou de changements technologiques. Ces progrès reflètent une exposition a priori significative des institutions financières françaises aux secteurs les plus carbonés. S’agissant des banques, on estime que la part des 20 secteurs les plus carbonés représenteraient 12,2% des encours nets exposés au risque de crédit en 2017, en légère diminution par rapport à 2015. En s’appuyant sur l’approche de Battiston et al. (2017), on estime qu’environ 10% des placements des assureurs seraient investis dans des secteurs sensibles au risque de transition (secteurs producteurs ou consommateurs d’énergies fossiles, d’électricité ou de gaz). Le niveau des expositions apparaît très hétérogène au sein des deux secteurs.