QUESTION: L'enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France montre une progression de l'activité en août. Quelles conclusions en tirez-vous pour la croissance?
REPONSE: Cette enquête mensuelle est d'expérience parmi les thermomètres de conjoncture les plus fiables. Notre diagnostic est qu'un ralentissement se confirme, incontestablement. Mais c'est un ralentissement, pas un retournement d'activité, dans aucun des trois grands secteurs (industrie, services, bâtiment), et encore moins une récession. Il y a une certaine résilience de l'économie française autour d'une croissance faiblement positive.
Q: La Banque de France relèvera sa prévision de croissance pour 2023 la semaine prochaine. Cela augure-t-il d'une embellie pour l'économie?
R: Ce relèvement sera uniquement pour 2023, pas sur 2024 et 2025. C'est un effet passé du deuxième trimestre, qui a été marqué par une bonne surprise (+0,5%) du fait notamment de mouvements exceptionnels sur les exportations et les stocks. Il ne faut pas déduire d'un trimestre exceptionnel un changement de profil de la croissance française. La vitesse actuelle reste faiblement positive, entre 0,1 et 0,2% au troisième trimestre, selon nous.
Autrement dit, il y a deux lectures opposées de la conjoncture qui seraient fausses aujourd'hui: celle consistant à dire que nous allons vers la récession et que la rentrée marquerait une rupture; celle, à l'inverse, selon laquelle on serait sur un rythme de croissance nettement plus fort qu'attendu.
Q: L'autre enseignement de l'enquête concerne l'inflation, dont le reflux semble amorcé. Confirmez-vous cette tendance?
R: Oui. Après de très grandes difficultés fin 2021 et début 2022, nous sommes revenus aujourd'hui à une situation quasi normale en matière d'approvisionnement dans l'industrie comme le bâtiment. Cela ouvre des perspectives encourageantes sur l'inflation.
Le mois d'août est le premier depuis longtemps où il y a moins d'industriels qui ont augmenté leurs prix de vente (4%) que ceux qui ont baissé leurs prix (6%). C'est une inversion qui laisse espérer que le mouvement de désinflation en cours va se poursuivre au cours des prochains trimestres.
Q: L'inflation a connu un sursaut en août en raison d'une électricité et d'un pétrole plus chers. Cela risque-t-il de compromettre le mouvement de désinflation?
R: Fin 2021 puis février 2022 avaient été marqués par deux chocs de matières premières généralisés: non seulement le pétrole mais aussi le gaz, les matières premières agricoles et industrielles. Aujourd'hui, le phénomène est concentré sur le pétrole (en raison des coupes volontaires de production de l'Arabie saoudite et d'exportation de la Russie, NDLR).
Les variations actuelles du prix du pétrole peuvent affecter le rythme mensuel de l'inflation, mais elles ne remettent pas en cause la tendance à la désinflation sous-jacente (hors énergie notamment, NDLR).
Q: Dans ce contexte, confirmez-vous l'objectif d'atteindre une inflation à 2% à horizon 2025?
R: Nous avons passé le pic de l'inflation totale: les chocs des matières premières -ce sont souvent des chocs temporaires- se résorbent progressivement. Avec un décalage et plus progressivement, l'inflation hors énergie et alimentation a aussi commencé à diminuer (...).
Cela montre l'efficacité de la politique monétaire. L'effet de la politique monétaire est assuré mais prend en général entre un à deux ans. C'est cet horizon qui fonde notre prévision. Je le redis donc: nous allons ramener l'inflation vers 2% d'ici 2025.
Q: S'ils visent à combattre l'inflation, les taux élevés bousculent le marché immobilier. Quelle est votre analyse de la situation?
R: Le secteur immobilier est celui qui, de loin, avait le plus bénéficié des taux d'intérêt exceptionnellement bas. Il est normal que la production de crédits immobiliers ait significativement baissé quand on la compare au pic de 2021 ou début 2022, qui était hors normes. On retrouve aujourd'hui des niveaux de production qui sont plutôt d'avant 2015, c'est-à-dire d'avant les taux d'intérêt très bas.
Pour autant, il est souhaitable maintenant que la production de crédits immobiliers se stabilise et ensuite reprenne progressivement. Cela dépend d'abord de la demande des ménages, dont beaucoup attendent aujourd'hui la stabilisation voire la baisse des prix immobiliers, après des années de forte hausse. Mais nous sommes attentifs, avec le ministre des Finances Bruno Le Maire, à ce que l'offre de crédit des banques reste forte.
Q: Serait-il opportun d'assouplir les règles d'octroi des crédits immobilier?
R: Il y a eu des assouplissements techniques en juin pour les banques. Au-delà, relancer artificiellement le secteur en surendettant les emprunteurs serait une solution dangereuse. Et qui risquerait de se terminer mal pour le secteur immobilier lui-même.